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Le grand entretien

« Le travail est facteur d’inclusion et de développement des compétences »

Le grand entretien | publié le : 13.07.2020 | Gilmar Sequeira Martins

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« Le travail est facteur d’inclusion et de développement des compétences »

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Reconduit à la tête de l’Anact pour un second mandat de trois ans, Richard Abadie dresse un bilan des trois dernières années de son action et trace les perspectives pour la période 2020-2022.

Quel bilan dressez-vous de votre premier mandat ?

Parmi les lignes directrices de mon premier mandat figurait la volonté de poursuivre l’évolution engagée mais aussi de percevoir celles en phase d’émergence et celles qui restaient à engager. Ce mandat a suivi trois axes : d’abord, nous concentrer sur les thématiques sur lesquelles nous étions attendus ; ensuite, conforter notre positionnement institutionnel ainsi que les modalités permettant de mener à bien nos actions ; enfin, optimiser l’organisation du réseau et de ses ressources. Le contrat d’objectif et de performances a été défini lors de ma prise de poste et court jusqu’en 2021. Il nous a notamment conduits à préciser durant ces deux dernières années notre stratégie de partenariat et d’innovation.

Quels sont les points clés de cette stratégie ?

En pratique, la première étape consiste à partir des orientations de notre tutelle et de notre conseil d’administration tripartite (État, organisations patronales, organisations syndicales) pour les matérialiser dans un programme d’action. Durant mon premier mandat, l’Anact a contribué au plan Santé au travail, grâce notamment à des actions centrées sur la qualité de vie au travail (QVT) pour lesquelles nous avons développé l’accompagnement des entreprises, avec des formats individuels ou semi-collectifs. Le réseau Anact-Aract a aussi créé des outils et des méthodes nouveaux tels que les outils de pilotage dynamiques de la démarche QVT. Nous avons également publié des ouvrages de référence ainsi qu’une méthode, celle de l’évaluation embarquée. En parallèle, nous cherchons à développer des réseaux régionaux de consultants en QVT qui s’engagent à mettre en œuvre nos outils et nos méthodes. Une dizaine de régions sont déjà couvertes et l’ensemble du territoire devrait l’être avant 2021. L’Anact assure l’animation méthodologique de ce réseau dans le cadre de l’ANI de 2013. Nous n’assurons pas la mise en relation avec les entreprises. Pour ce faire, nous mettons actuellement sur pied une plateforme en ligne qui listera les consultants signataires d’une charte et qui permettra aux entreprises de faire part de leurs besoins. Elle sera expérimentée à partir de septembre dans les régions Paca et Occitanie.

Quels sont les objectifs pour la QVT ?

Sur la QVT, l’Anact a la volonté de développer des outils opérationnels pour accompagner les entreprises mais aussi de contribuer à une dimension de prospective. Le bilan de la mise en œuvre de l’ANI de 2013 a constitué une contribution qui a mis en évidence le chemin parcouru et ce qu’il restait à réaliser. Globalement, ce premier bilan a permis de constater que les thèmes tels que l’égalité professionnelle, l’articulation des temps, le télétravail, la diversité ou le handicap sont davantage abordés à travers des accords qui se revendiquent de la QVT et qu’ils identifient des indicateurs qui vont dans le bon sens. Certains thèmes comme la question de la charge de travail, son contenu et son organisation, ainsi qu’une approche globale de la performance, doivent encore être développés. L’Anact a contribué à décloisonner des approches et à faire émerger une vision plus large de tous les facteurs qui ont des conséquences sur les conditions de travail. La crise sanitaire a montré que les enjeux de santé au travail nécessitent de faire des liens entre les conditions de réalisation du travail et la situation plus personnelle des travailleurs. Cette porosité est désormais plus évidente mais dans les mécanismes quotidiens des entreprises, les actions restent très morcelées entre la DRH, la direction de la production ou encore la DSI. Il faut continuer à décloisonner le fonctionnement de l’entreprise.

Le management fait-il aussi partie de votre périmètre d’action ?

Durant mon premier mandat, l’Anact a également mené des actions de développement de la qualité du management pour accompagner le vieillissement des actifs, en construisant des parcours qui préviennent l’usure professionnelle. L’Anact a notamment produit un kit pour prévenir l’usure professionnelle en partenariat avec la CNAMTS. L’Anact a aussi mené des actions dans le champ du dialogue social et des relations professionnelles afin d’améliorer la qualité des relations sociales et ainsi faciliter le fonctionnement des instances. Dans certaines régions, nous avons diffusé une formation commune entre dirigeants d’entreprise et représentants du personnel, qui peut aller de la sensibilisation sur une demi-journée à une formation complète sur un ou deux jours. Enfin, dans le champ de l’égalité professionnelle, l’Anact a développé une analyse « genrée » des accidents et des maladies professionnelles, ce qui a permis de montrer que les inégalités aboutissent à des situations et des niveaux d’exposition aux risques différents. Durant ce premier mandat, l’Anact a conforté aussi son organisation autour d’une méthodologie qui a été lancée en 2015. Cette méthodologie vise à construire l’action autour de trois phases. D’abord une phase d’expérimentation, qui comprend aussi une phase d’intervention en entreprise pour observer, tester et coconstruire. Cette phase est aujourd’hui fiabilisée et elle légitime nos outils et nos méthodes. La seconde phase est celle de la capitalisation des enseignements à travers une analyse collective. La troisième phase, dite de « transfert », consiste à transformer les enseignements afin qu’ils soient mis en œuvre par le plus grand nombre d’entreprises. Cette méthodologie est désormais stabilisée. Elle structure nos actions et nous permet de déterminer vers quel thème nous tourner et comment l’explorer. Elle est devenue une sorte de boussole.

Quelles seront les orientations de la période 2020-2022 ?

Durant mon deuxième mandat, je compte travailler sur deux nouvelles phases. Nous devons mettre au point une forme de veille qui viendra soutenir et orienter la phase d’expérimentation. Nous avons déjà contribué à des travaux de prospective engagés par l’INRS ou à notre initiative autour des sujets émergents. Notre objectif est de pouvoir établir quelles sont les hypothèses les plus pertinentes pour pouvoir agir efficacement. Nous souhaitons aussi conforter une phase intermédiaire, entre la capitalisation et le transfert des connaissances. Ce sera une phase de modélisation. Pour bien assurer le transfert des enseignements extraits de l’expérimentation et de la capitalisation, l’Anact va travailler avec des partenaires pour élaborer des formats capables de porter efficacement ses préceptes, ses outils et ses méthodes. Ces deux étapes nécessitent, plus encore que les trois autres, d’être menées avec des acteurs relais qui ont la capacité d’intervenir dans toutes les entreprises. En synthèse, l’objectif principal de l’Anact est de continuer à s’inscrire dans une démarche centrée sur le travail en tant que facteur de santé et de performance mais aussi en tant que facteur d’inclusion et de développement des compétences.

Parcours

Richard Abadie été directeur adjoint en charge du pôle Entreprises de la DDTEFP de l’Ain de 2004 à 2011, puis chef du département Risques professionnels au sein du pôle Politique du travail de la Direccte Rhône-Alpes de 2011 à 2013. Après avoir dirigé l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (Intefp), il est nommé en 2017 directeur général de l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail). Début 2020, il a été reconduit dans ses fonctions pour un nouveau mandat de trois ans.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins