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Questions à Nicolas Mancret, avocat associé chez Jeantet : « le nouveau dispositif d’activité partielle manque de souplesse »

L’actualité | publié le : 13.07.2020 | Jean-Paul Coulange

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Questions à Nicolas Mancret, avocat associé chez Jeantet : « le nouveau dispositif d’activité partielle manque de souplesse »

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Le droit du travail s’est-il plutôt bien adapté à la crise ?

Le vrai problème est le décalage entre les attentes des entreprises et la capacité régulatrice des autorités à édicter la norme. On le voit bien avec l’activité partielle : le dispositif a été modifié huit fois entre mi-mars et mi-mai. Dès le départ, les entreprises ont souhaité que le dispositif soit individualisé. Or le texte permettant d’introduire, par accord, une touche d’individualisation est sorti le 23 avril, à un moment où une grande majorité d’entreprises avaient déjà déposé leur demande d’activité partielle. On a voulu tellement rigidifier le texte et on a pris tellement de temps dans son élaboration qu’il est sorti avec un retard qui n’a pas laissé suffisamment de temps pour négocier.

Le nouveau dispositif reste-t-il dans l’esprit des accords de maintien de l’emploi ?

Il manque de souplesse. Le législateur a peur de la souplesse car il se méfie des effets d’aubaine. Hormis les secteurs d’activité sinistrés qui ont déjà décidé des réorganisations, la grande majorité des entreprises s’interrogent sur le niveau d’activité en 2020 (scénario en W ou croissance molle). Si l’activité repart l’année prochaine, une restructuration de grande ampleur menée au second semestre 2020 serait coûteuse. Il s’agit non seulement du coût de la réorganisation, mais également de l’inévitable dégradation des relations avec les partenaires sociaux et de la perte d’image pour l’entreprise. Dans l’hypothèse d’une reprise de la croissance, l’entreprise devrait de nouveau recruter quelques mois après avoir réduit ses effectifs. Le vrai sujet est de donner aux entreprises de la souplesse pour choisir le meilleur dispositif leur permettant de faire face à la récession actuelle.

Quels sont les meilleurs outils pour se réorganiser ?

Il y a la restructuration qui ne porte pas son nom, la gestion dynamique des départs dans le temps ; la rupture conventionnelle collective qui nécessite l’accord du salarié et celui des partenaires sociaux et enfin l’aval de l’administration. Et puis il y a l’accord de performance collective (APC) qui est, selon moi, le meilleur des outils. Si une entreprise estime que, via des actions de mobilité, de réduction de salaires, de suppression de rémunérations variables, elle peut temporairement faire face à la crise sans réduire l’effectif, c’est un très bon outil. Il est facile dans ce cas de faire comprendre aux partenaires sociaux que la signature d’un APC permet d’éviter le PSE. Il n’y a pas besoin du visa de l’administration, et puis, une fois signé, l’accord s’impose aux salariés.

Les entreprises ont-elles la volonté, dans cette crise, de conserver les compétences en interne en vue d’un redémarrage de l’économie ?

Aujourd’hui, les entreprises ont du mal à se projeter. Il faut donc laisser aux employeurs la liberté de pouvoir s’adapter. La logique étatique autour de l’activité partielle est de demander des contreparties sur le maintien de l’emploi. Mais cette logique ne va pas lever le frein de la rigidité. En septembre ou octobre, les entreprises auront des choix stratégiques difficiles à faire.

L’union sacrée entre directions et syndicats qui a pu prévaloir pendant l’urgence sanitaire existe-t-elle encore aujourd’hui ?

Le sujet qui va vite surgir est celui de la souffrance au travail consécutive à cette période. Les partenaires sociaux sont dans leur rôle quand ils disent que ce n’est pas uniquement aux salariés de porter le coût de la décroissance que nous venons de vivre. Notamment pour les congés d’été. Les partenaires sociaux demandent que les salariés puissent partir en congé dans le respect des règles fixées par le Code du travail et les accords d’entreprise et certaines entreprises voudraient assouplir ces règles.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange