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« Une forme de redistribution de pouvoir d’achat »

Le point sur | publié le : 06.07.2020 | I. L.

La réforme des IRP n’a-t-elle pas rendu désuète la mission sociale, touristique et culturelle des CSE ?

Les activités sociales et culturelles (ASC) sont le seul domaine où le comité social et économique (CSE) est gestionnaire à part entière. On peut parler dans ce domaine de véritable autonomie. Historiquement, le transfert des œuvres sociales patronales aux élus des salariés a constitué une importante conquête. Pour les comités qui ont de l’argent, la gestion des ASC requiert une réflexion collective sur la définition d’une véritable activité sociale. Cependant, depuis plusieurs années, de nombreux comités se comportent parfois comme un service de redistribution de pouvoir d’achat, c’est-à-dire qu’ils se bornent à distribuer des bons d’achat ou des chèques-cadeaux ce qui, certes, compense partiellement une éventuelle faiblesse des salaires, mais ne constitue pas l’animation d’une activité sociale. Cette tendance s’explique en partie par la baisse du militantisme, mais pas seulement. Les sollicitations incessantes des élus bénévoles par des sociétés commerciales dotées de services spéciaux de vente aux comités font qu’il est tentant, souvent par lassitude, de céder à la facilité de l’activité sociale clé en main fournie par un prestataire extérieur. Ce qui est évidemment bien différent d’une véritable politique d’activités sociales diversifiées.

Ces problématiques demeurent avec la fusion des instances réalisée par les ordonnances Macron. La question n’est donc pas de savoir si les ASC ont un caractère désuet ou pas. Cette fusion n’a d’ailleurs que peu d’impact, techniquement parlant, sur les activités sociales et culturelles des CSE. Il existe cependant deux exceptions : les règles applicables au calcul de la subvention patronale pour les ASC sont moins avantageuses et la diminution du nombre des élus et des heures de délégation entraînée par la fusion va avoir un impact sur les priorités. En effet, le CSE doit exercer les attributions qui étaient celles de trois institutions distinctes (CE, DP, CHSCT), ce qui est difficilement de nature à favoriser leur exercice plein et entier. Le risque est donc de voir certaines attributions privilégiées par rapport à d’autres : soit les ASC par rapport aux attributions économiques et en matière de santé au travail, soit l’inverse (et dans ce cas, c’est la généralisation d’un droit de tirage sur le budget des ASC au profit de chaque salarié qui se développera).

Que pensez-vous de l’amendement de la députée LREM Cendra Motin qui souhaiterait donner la possibilité aux CSE d’allouer une partie de leur budget de fonctionnement au financement des ASC ?

Les budgets des CSE sont des éléments essentiels du rôle constitutionnel qui leur est dévolu. Ils garantissent une indépendance vis-à-vis de la direction pour mener à bien leur mission. Le budget de fonctionnement permet notamment de réaliser toutes sortes d’expertises et d’être éclairé dans le domaine économique, financier et juridique. Le budget des ASC, quant à lui, permet au CSE de financer librement et en toute autonomie les activités sociales qu’il proposera aux salariés.

Il est donc primordial, en temps de crise sanitaire et bientôt économique, de garantir une étanchéité de ces deux budgets dont les destinations sont totalement différentes et ne peuvent être confondues. Tout comme il faut maintenir le versement de ces subventions pour la bonne continuité de la représentation des salariés.

Quelques propositions démagogiques ont pu être émises. Elles n’ont pas été entérinées par le Sénat, mais l’alerte aura été sérieuse. Celle-ci consistait à permettre aux élus de basculer 50 % du montant du budget de fonctionnement vers le budget des ASC au prétexte erroné que l’organisation des réunions en visioconférence allait permettre aux CSE de réaliser des économies substantielles sur leur budget de fonctionnement.

Cette proposition d’amendement traduit, de la part de ses auteurs, une méconnaissance totale du droit et de la réalité des entreprises : les frais d’organisation des réunions étant en réalité selon la loi à la charge de l’entreprise. Elle conduisait, dans les faits, à restreindre les moyens alloués aux élus pour l’exercice de leurs prérogatives.

Les budgets des CSE risquent-ils de souffrir à la suite de la crise sanitaire et du confinement ?

En effet, l’indemnité de chômage partiel n’étant pas soumise aux cotisations Urssaf, mais seulement à la CSG/RDS, dans l’état actuel des textes, elle n’entre donc pas dans l’assiette de calcul des budgets de fonctionnement et des ASC des CSE. Vu qu’elle peut représenter 70 % du brut et que la différence pour maintenir un net n’est pas obligatoire, sur une période de six à sept semaines, cela peut réduire la base annuelle des budgets de 15 % à 20 %.

Concernant le budget de fonctionnement, cela représentera autant d’actions impossibles à réaliser pour les CSE alors qu’ils vont être considérablement sollicités durant les mois à venir. Et du côté du budget des ASC, s’il y a une diminution des activités culturelles (tout ayant été stoppé avec la crise), les demandes d’activités sociales se sont quant à elles démultipliées. Les demandes de dons ou de prêts sont nombreuses, malheureusement, la législation encadrant les activités sociales restant très contraignantes, les contrôles Urssaf sont redoutés, ce qui paralyse de nombreux comités dans leurs actions.

(1) Le droit des comités sociaux et économiques et des comités de groupe, 15e édition, Lextenso éditions 2020.

Auteur

  • I. L.