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Les DRH au cœur de la crise

La pandémie a-t-elle fait évoluer le métier des ressources humaines ?

Les DRH au cœur de la crise | Les enseignements de la crise | publié le : 29.06.2020 |

Rémi Boyer (Korian) : S’il y avait encore des doutes sur l’utilité de la fonction de DRH, cette période a démontré que c’est une fonction clé, en particulier dans les entreprises à forte densité de main-d’œuvre. Le DRH joue un rôle stratégique d’accompagnement dans la définition du contrat social de l’entreprise, notion qui inclut notamment le cadre de travail, la santé, la rémunération et la formation. Notre ambition est de faire de Korian une entreprise apprenante pour améliorer la rétention des équipes et d’être la référence du secteur en matière de qualité du travail.

Frédérique Giavarini (Fnac Darty) : Cette période a confirmé des convictions et tendances (télétravail, quête de sens, évolution des modes de management, responsabilité de l’entreprise, besoin d’agilité) plutôt que changé de regard. Elle a renforcé le sentiment d’urgence de procéder à ces transformations. J’ai toujours été convaincue que la DRH a un rôle stratégique clé dans les organisations et en particulier dans la nôtre, car nous sommes une entreprise « people intensive ». L’humain fera plus que jamais la différence. Dans cette crise, les RH ont été en première ligne.

Jérôme Leparoux (Daher) : J’ai vraiment eu le sentiment que la fonction était au centre de l’organisation. La sécurité des salariés, le bouleversement de l’organisation du travail, la nécessité de donner un cap, de trouver les équilibres entre le business, les attentes légitimes des salariés et les impératifs sanitaires nous ont mis au centre du jeu. La crise a révélé les valeurs de l’entreprise, et les RH sont les premiers porteurs de ces valeurs… Nous retrouvons aujourd’hui un rôle plus classique d’ajustement de la ressource à la charge de travail tout en préservant les compétences, qui n’est pas le plus simple compte tenu de la crise que traverse notre secteur. La séquence qui s’ouvre souligne donc l’autre dimension de la fonction, celle qui consiste à faire face aux situations difficiles en prenant ou accompagnant parfois des décisions difficiles.

Cathy Desquesses (Sodexo) : La crise a renforcé l’empowerment des équipes RH au niveau local. Aujourd’hui, l’action est sur le terrain. Le global est au service du local et n’a d’autre but que de faciliter sa tâche. C’est un principe que nous renforcerons encore, une fois la crise passée, car nous ne souhaitons pas avoir des organisations lourdes, qui dictent aux régions et aux pays ce qu’ils doivent faire. Nous renforcerons également la digitalisation pour faciliter cette agilité, réduire au maximum nos inefficiences et permettre à notre communauté « people » (c’est ainsi qu’on appelle les équipes RH chez Sodexo) d’être auprès des collaborateurs et supporter les managers dans ces moments compliqués. C’est également pourquoi j’essaie de limiter au maximum le back-office et toutes les tâches à moindre valeur ajoutée pour les équipes de terrain.

Dominique Podesta (Heppner) : Cette période n’a pas révélé des choses, mais démontré que l’action RH est au cœur du développement de l’entreprise, et qu’elle se fait avec les managers. Notamment, le fait d’avoir anticipé et mis en œuvre l’expérience collaborateur, qui est l’un des piliers stratégiques de la politique RH, d’avoir digitalisé et de posséder une plateforme e-learning est un atout formidable. La crise a également prouvé que la confiance que l’on crée avec les managers est essentielle pour assurer la légitimité de l’action RH. En revanche, elle interroge sur la façon de réinventer la relation humaine, le distanciel, les moments de crise, la gestion de l’incertitude, l’absence de visibilité, l’agilité des collaborateurs… Elle remet l’ensemble de ces sujets sur le devant de la scène. Des sujets sur lesquels nous devrons travailler plus que jamais avec les collaborateurs, afin qu’ils soient acteurs de leur place dans l’entreprise, comme ils l’ont été depuis le début de la crise. Nous avions lancé une enquête sur l’engagement, début mars, auprès des salariés, afin notamment de connaître leurs attentes en matière d’équilibre de vie, ce qui va nous permettre d’enrichir les grands axes de notre plan RH dans les mois à venir.

Jérôme Nanty (Carrefour) : Je ne crois pas que cette crise a eu d’impact sur la fonction de DRH. En revanche, je crois que les préoccupations sanitaires resteront plus présentes. C’est déjà le cas en Asie où ces dimensions sont bien intégrées dans le quotidien. Jusqu’à présent, ces considérations étaient assez peu évoquées en Europe. Désormais, elles vont s’inscrire dans les préoccupations managériales et les relations sociales. Les enjeux sanitaires sont aujourd’hui prioritaires pour les salariés, même s’il est difficile de dire combien de temps cela va durer.

Des dirigeants en mode gestion de crise

Dès le début du confinement, à la mi-mars, les cellules de crise ont immédiatement commencé à s’activer dans les sociétés et se sont réunies quotidiennement. C’est le cas chez Schneider France, Fnac Darty, à la BPCE ou encore à la RATP. Le plus souvent, c’est le président ou la présidente qui a piloté en personne la structure. « L’entreprise a continué d’être animée au plus haut niveau, par le président, avec une réunion quotidienne, qui a permis de faire le lien, ensuite, avec les équipes partout dans le monde et, grâce à nos outils informatiques, de pouvoir continuer à piloter l’entreprise », indique Xavier Chéreau, le DRH groupe de PSA. Forte d’une trentaine de personnes à la BPCE, la cellule de crise a regroupé le comex et une partie du codir à la RATP, tandis que chez Fnac Darty, le comex a réuni, virtuellement, le LeadershipGroup, constitué des 150 top managers, « très fréquemment (et beaucoup plus qu’à l’accoutumée) pour partager les informations clés sur la situation du groupe ».

Pour Dominique Podesta, DRH d’Heppner, « cette période de crise a démontré l’agilité de l’équipe de direction », tandis que Jérôme Leparoux, du groupe Daher, estime, pour sa part, que « cette crise aura fait mûrir les équipes de direction ».

Une gestion RH adaptée à l’international

« Face à une multiplicité de situations », comme le souligne Olivier Carlat, directeur de la formation et du développement social chez Veolia, de nombreuses entreprises ont dû adapter les mesures instaurées dans le cadre de la pandémie à leurs filiales basées à l’étranger. Voire les enrichir, puisque les dispositifs nationaux étaient parfois moins protecteurs qu’en France. Ainsi, Schneider Electric a mis en place une couverture sociale pour donner des congés supplémentaires et offrir des prises en charge sans surcoût à ses collaborateurs à l’international. « Dans de nombreux pays comme les États-Unis, cela a été un vrai plus », estime Dominique Laurent, DRH de Schneider Electric. Autre exemple, Bonduelle a créé « un fonds de solidarité internationale permettant aux salariés du groupe d’assurer une assistance financière en direction de leurs confrères d’autres pays affectés par la Covid-19 ou aux systèmes sociaux moins généreux, comme aux États-Unis », indique la DRH, Marine Henin-Duprez.