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Les DRH au cœur de la crise

La crise a-t-elle eu un impact sur le rôle sociétal de l’entreprise ?

Les DRH au cœur de la crise | Les enseignements de la crise | publié le : 29.06.2020 |

Cathy Desquesses (Sodexo) : La crise est un accélérateur de tendances, comme la digitalisation et le retour au local. La question que nous devons donc nous poser en tant qu’entreprise est : « Comment contribuons-nous à la collectivité autour de la durabilité ? ». C’est un sujet sur lequel nous avions commencé à travailler avant la crise, et qui est inscrit sur notre feuille de route, mais qui prend aujourd’hui encore plus d’acuité.

Jérôme Nanty (Carrefour) : La grande distribution a été valorisée auprès des Français. S’agissant de Carrefour, la crise sanitaire n’a fait que conforter les actions lancées en amont, notamment l’orientation stratégique sur la transition alimentaire et l’adoption de la raison d’être de l’entreprise. La crise a permis d’instituer des circuits de décision plus courts, avec moins d’intervenants. Elle va accélérer la transformation en cours, mais il est encore trop tôt pour déterminer dans quelles proportions et à quel rythme.

Marine Henin-Duprez (Bonduelle) : Avant la crise, Bonduelle était déjà engagée dans la transformation vers la certification B.Corp avec comme ambition de devenir, à l’horizon 2025, « le référent mondial du bien-vivre par l’alimentation végétale ». J’espère que les choses vont s’accélérer. La responsabilité de l’entreprise est désormais une évidence, compte tenu des enjeux climatiques et du désengagement de l’État sur le long terme. Avec une telle crise, la RSE de l’entreprise est mise au premier plan dans les discours, mais cet enjeu n’est pas toujours positionné au cœur des priorités des sociétés et des investisseurs. Parfois, je me demande si le monde d’après ne sera pas pire que le monde d’avant. Les investisseurs restent très court-termistes dans leurs attentes vis-à-vis des entreprises.

Serge Derick (BPCE) : Ce qui apparaît clairement, c’est que les entreprises s’aperçoivent, tant vis-à-vis de leurs clients que de leurs collaborateurs et de toutes leurs parties prenantes, que l’humain doit être au cœur de leurs modèles business et managériaux. C’est ce qui, avec le retour d’expérience, donnera du sens à nos engagements. Nous travaillons actuellement sur notre plan stratégique qui pourrait ne pas se traduire par une formulation de raison d’être unique pour le groupe, mais déclinable en fonction de la diversité de nos métiers.

Olivier Carlat (Veolia) : La crise a démontré l’importance et l’impact de nos activités pour la collectivité. Ce qui ne peut que nous amener à renforcer nos services ou à en développer de nouveaux en direction de toutes nos parties prenantes. Nous disposons au sein de Veolia depuis l’an dernier d’une raison d’être qui est notre « boussole ». C’est une vision large d’une performance globale au service des multiples parties prenantes.

Jean Agulhon (Groupe RATP) : La RATP a confirmé son rôle sociétal très structurant, en permettant aux personnes qui devaient se déplacer dans cette période de confinement, notamment les personnels soignants, de le faire. Nous avons rajouté des offres de services et mis à disposition 20 navettes pour desservir les principaux hôpitaux de Paris.

Dominique Laurent (Schneider) : Je crois qu’il ne faut pas aller trop vite ni tirer de conclusions trop hâtives. Nous avons fait l’acquisition d’une ligne de fabrication de masques chirurgicaux, mais cela n’a pas changé notre raison d’être… Notre projet d’entreprise et notre raison d’être restent liés à notre proposition de valeur et à notre contribution à la transition énergétique. Le développement durable en est le ciment. Nos salariés savent ce que sont nos engagements historiques. Et il serait prématuré de dire que cette crise a modifié cela. Au contraire, je crois davantage qu’elle a renforcé notre stratégie et nos propositions de valeur dans le domaine de la gestion de l’énergie.

Jérôme Leparoux (Daher) : Dans la situation irréelle que nous avons connue avec la Covid, où tout semble s’effondrer, ce qui reste, en définitive, ce sont les valeurs. Tous les débats qui ont surgi durant le confinement, démultipliés par les réseaux sociaux, ont posé la question du sens de manière exacerbée. Avant le début de la crise, nous avions commencé à travailler sur la raison d’être de l’entreprise résiliente, de l’entreprise contributive, pour en faire un élément de cohésion entre l’entreprise et ses actionnaires familiaux et un levier de création de valeur. L’une des caractéristiques majeures de cette période, c’est le fait que les contradictions de la société sont entrées dans l’entreprise avec une force nouvelle, et qu’il va falloir trouver le moyen de les dépasser. Nous sommes avionneur et équipementier aéronautique. Or nous venons de vivre dans un monde sans avions et presque sans voitures. Cela interroge tout le monde, dans l’entreprise et en dehors ! Il faut donc établir une nouvelle légitimité pour nos activités. Nous travaillons au développement de technologies qui permettront de décarboner le transport aérien. Il y a nombre de contradictions de ce type que les sociétés doivent résoudre.

La formation continue, mais à distance

« Former les salariés en activité partielle plutôt que chômer » : le message envoyé par le ministère du Travail a été plutôt bien reçu. À l’exception de groupes, comme Bonduelle, qui ont préféré – et ont pu – repositionner leurs salariés sur d’autres tâches que celles auxquelles ils étaient ordinairement affectés, les directions RH ont dégainé plateformes e-learning et autres dispositifs de formation à distance dès le début de la crise pour permettre à leurs collaborateurs de muscler leurs compétences. « Plus de 200 personnes sur les quatre pays où nous sommes présents ont pu en bénéficier simultanément, sur notre plateforme digitale », explique Dominique Podesta, DRH d’Heppner. Avec au menu des modules consacrés à la gestion des réseaux sociaux, à l’anglais, à la bureautique, à la communication et au relationnel à distance. La situation a aussi vu l’engouement des directions RH pour les apprentissages au management à distance (BPCE), aux mesures d’hygiène (Korian) ou à l’adaptation au télétravail longue durée (Fnac Darty). En fonction des entreprises, cependant, les résultats sont mitigés. « Très occupés, les collaborateurs en télétravail n’ont pas toujours eu le temps de se former », reconnaît Olivier Carlat, DRH de Veolia. Si Schneider Electric et Veolia ont profité des fonds du FNE-Formation, d’autres comme Generali ont préféré financer leur programme interne au titre de leur propre plan de développement des compétences.