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Covid-19 : Le casse-tête des congés d’été

Le point sur | publié le : 29.06.2020 | Judith Chétrit

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Covid-19 : Le casse-tête des congés d’été

Crédit photo Judith Chétrit

L’été 2020 ne sera pas comme les autres, pour les entreprises comme pour leurs salariés. Alors que l’organisation des congés payés incombe aux employeurs, le choix des dates et le roulement constituent un sujet épineux à la sortie d’un confinement et d’une reprise d’activité anxiogène.

Cap sur les congés d’été ? En fonction de l’arrêt ou non de l’activité et du degré d’impact de la crise, la période estivale ne s’annonce pas partout de la même façon. Chez Air France, où un CSE doit se tenir le 3 juillet pour détailler les conséquences de la crise sur l’emploi, les vacances d’été ne s’imposent guère dans les discussions face aux milliers de postes menacés et à la poursuite du chômage partiel. « La direction a demandé aux salariés d’indiquer les congés souhaités jusqu’à la fin décembre avant le 30 juin pour avoir de la visibilité sur la reprise des vols. Il est fort possible que plus de monde puisse prendre des congés cet été alors qu’un été habituel suppose une grande mobilisation des effectifs opérationnels », projette Bernard Garbiso, secrétaire général CFE-CGC de la compagnie aérienne. Mais Air France est un cas vraiment à part.

Pour Force ouvrière, il y a eu peu de remontées de tensions à ce sujet. « Congés ou pas, il y a des secteurs qui ne repartent pas. Il n’y a pas de mouvement d’ensemble de réduction ou de déplacement de la période de congés estivaux », note Yves Veyrier, le n° 1 de FO qui y voit un « fantasme », car « les gens ont besoin de se reposer et tout le monde a déjà les yeux rivés sur l’automne ». Une observation partagée par la CFDT services, y compris pour le commerce non alimentaire où les soldes ont été décalées à la mi-juillet : « Je m’attendais à être saisi à ce sujet par les 23 branches. Les congés avaient déjà été organisés avant le confinement pour la rotation des équipes et l’on s’attend plutôt à une plus grande utilisation des accords de modulation du temps de travail pour élargir les horaires d’ouverture », avance Adrien Guellec, secrétaire national. Mieux vaut ne pas trop toucher à cet intermède très attendu des Français : chez le constructeur ferroviaire Bombardier, des dizaines de salariés de l’usine de Crespin dans le Nord ont entamé une grève durant une semaine pour protester contre une décision finalement abandonnée de la direction de travailler exceptionnellement la dernière semaine de juillet, même payée double avec primes.

Concessions

En raison des dérogations prévues par les mesures d’urgence de la fin mars, des employeurs, comme Orange, BNP Paribas ou la Société Générale, ont parallèlement déjà décidé de ne pas annuler des congés déjà posés ou d’imposer à leurs salariés de poser jusqu’à six jours de congés payés et dix jours de repos à puiser dans les RTT d’ici fin 2020 après accord d’entreprise ou de branche. Le délai de prévenance d’un mois minimum a aussi été réduit à un jour. Des concessions qui pèsent nécessairement dans le dialogue entre l’encadrement et les équipes, surtout lorsque des salariés ont joué le jeu pendant le confinement pour retarder l’ampleur ou le recours au chômage partiel.

Avant même le déconfinement et la reprise de l’activité économique, la gestion des vacances estivales a été quelquefois intégrée dans des négociations entre les partenaires sociaux au niveau des CSE et des branches, notamment dans les grands groupes. C’est la durée minimale légale de congés qui sert de curseur, soit douze jours consécutifs, à l’image de l’accord de la branche métallurgie ou EDF. Idem au sein des sites de PSA où après un accord avec quatre des cinq syndicats, le maintien des salaires à 100 % a été négocié en échange d’une réduction de la période de congé estivale à deux semaines pendant les vacances scolaires contre trois semaines traditionnelles de fermeture. Non-signataire, la CGT a alerté sur l’annulation de réservations déjà programmées et la problématique de la garde des enfants.

Manque de visibilité

Si l’amplitude de référence du congé principal s’étale du 1er mai au 31 octobre, la période se voit parfois réduite et concentrée en raison du manque de visibilité courant sur juin et juillet.

Chez Acadomia, qui compte un peu moins de 600 salariés, la direction est revenue sur son souhait initial de resserrer les congés entre le 25 juillet et le 25 août pour avancer le début envisageable au 13 juillet. « Il y a eu des réclamations de salariés et du CSE. Et les agences en local décideront ou non d’une fermeture en fonction du frémissement ou non de l’activité de soutien scolaire bien avant la rentrée », souligne Sonia Rabathaly, directrice du personnel. « Beaucoup de congés d’une dizaine de jours à deux semaines se concentrent sur le mois d’août avec des arrangements entre les collaborateurs d’une même équipe. D’autres maintiennent leur désir de petites vacances l’été pour pouvoir partir à l’étranger à l’automne », abonde Déborah Rippol, responsable RH d’Alan (200 salariés), la pépite française de l’assurtech. La période est encore plus propice à la souplesse que d’habitude. Et à une meilleure communication interne, surtout s’il est question derrière de solidarité ou d’employabilité : « Parce qu’il a été particulièrement observateur des situations familiales et personnelles, le management est un relais à mobiliser pour faire comprendre certaines décisions à ses collaborateurs et garantir une équité de traitement », avance Olivier Parent du Châtelet, associé du cabinet BearingPoint, où les congés devront être pris en août au lieu de mi-juillet à mi-septembre.

Aménagements particuliers

Certes rarement refusées, les demandes de salariés ont pu laisser place à des arbitrages, pour le moins, originaux. Comme chez 10h 11, une entreprise spécialisée dans la gestion de données avec une quinzaine de salariés répartis entre Paris et Bordeaux : le dirigeant, Julien Aubert, a accepté l’étalement de 32 demi-journées entre juin, juillet et août au lieu de trois semaines consécutives pour un père de deux enfants de 2 ans et 4 ans. « Il a anticipé l’organisation avec sa conjointe qui travaille également. C’est une solution assez étrange, mais la période est compliquée. » À la Matmut (6 300 salariés), le DRH Olivier Ruthardt a déjà remarqué dans les demandes en cours de traitement par les managers un plus grand fractionnement possible, même si la durée habituelle des congés varie peu entre deux et trois semaines. En interne, il a été surtout question de mieux cadrer la prise de congés entre le papier et le SIRH. « La pratique n’était pas homogène en fonction des services avec certains qui s’y prenaient plus tôt que d’autres. Il y avait un déséquilibre et un manque de clarté, donc la crise a fait apparaître le besoin d’un processus plus carré de validation en ligne. » Un chantier parallèle qui s’est ajouté à celui des rotations pour la réouverture des agences qui ne fermeront pas cet été et les débuts de négociation d’un accord sur le télétravail.

Auteur

  • Judith Chétrit