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Ce que la Covid inflige à la jeunesse : la triple peine

Chroniques | publié le : 29.06.2020 |

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Ce que la Covid inflige à la jeunesse : la triple peine

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Martin Richer Management & RSE

« Avec la récession économique qui découle du confinement, ce sont les jeunes qui vont payer le plus lourd tribut, que ce soit sous forme de chômage ou d’endettement », estimait en avril le philosophe André Comte-Sponville dans le quotidien suisse Le Temps. Fin mai, l’essayiste François de Closets affirmait dans une tribune dans Le Monde que les jeunes ont consenti un véritable sacrifice en acceptant de se confiner pour protéger leurs aînés, les privilégiés des Trente Glorieuses. Génération prédatrice contre génération sacrifiée : la guerre des âges menace, avec pour les jeunes une triple peine.

1. Les moins concernés sont les plus pénalisés.

L’étude britannique OpenSafely a montré que les 18-40 ans ont 180 fois moins de risques de mourir de la Covid-19 que les plus de 80 ans. En France, plus de 90 % de ses victimes ont plus de 65 ans. C’est donc pour protéger nos aînés que l’option du confinement a été choisie par ceux qui détiennent le pouvoir économique et démocratique, malgré ses conséquences catastrophiques pour le devenir de nos jeunes. Cela ne veut pas dire qu’il ne fallait pas décider du confinement, ni que les jeunes auraient été épargnés par le virus en son absence. Mais peu menacés, les jeunes sont en revanche les plus gravement impactés par cette mesure. Rester cloîtré chez soi ne révolutionne pas la vie d’un senior, mais handicape gravement les jeunes, privés d’interactions sociales à l’heure où ils forgent leur personnalité dans l’échange avec leurs pairs, privés d’indépendance pour ceux qui ont dû réintégrer le bercail familial pour se confiner chez leurs parents.

2. La crise économique due au confinement freine leur intégration.

Le taux de chômage des 15-24 ans, qui se situait déjà à 20 % au dernier trimestre de 2019 – le quatrième plus élevé d’Europe – pourrait atteindre 30 %. Dans cette tranche d’âge, il a augmenté de 29 % au seul mois d’avril. Les perspectives ne sont pas meilleures concernant les revenus. Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), la rémunération des actifs va baisser de 5 % en 2020 alors que la pension nette versée aux retraités augmentera de 1,2 %, si bien que la supériorité du niveau de vie des retraités par rapport à celui de l’ensemble de la population va doubler, passant de + 5 % à + 10 %. L’enquête de Bordeaux Population Health menée pendant le confinement, montre l’ampleur de l’impact psychosocial de ce dernier : 40 % des étudiants se sentaient fatigués ou sans énergie, contre 21 % chez les non-étudiants.

3. Ces effets risquent de les pénaliser toute leur vie.

J’avais proposé d’appeler la génération Z, les jeunes nés juste avant et après le tournant de l’an 2000, les « sustainable natives » (lire Entreprise &Carrières du 9 septembre 2019). Mais c’est peut-être la qualification de « génération Covid » qui les suivra, tant le traumatisme du confinement met à l’épreuve leur résilience. Jules Ferry a inventé l’école obligatoire ; Jean-Michel Blanquer a inventé l’école facultative. On a fait le choix de laisser les écoliers, lycéens et étudiants s’égayer dans la nature de façon prolongée, alors que la Dares recensait déjà près d’un million de jeunes de 16 à 25 ans n’ayant ni études, ni emploi, ni formation – les fameux NEET, dont nous détenons le record en Europe. On sait pourtant que les déficits éducatifs se payent très cher et tout au long de la carrière.

Pour désigner l’impact subi par les jeunes qui arrivent sur le marché du travail par temps de crise et en subissent durablement les conséquences, les économistes ont créé le terme d’effet cicatrice. Managers, professionnels des RH ou de la RSE, nous devons nous impliquer pour faciliter l’insertion de ceux que, décidément, je me refuse à appeler « génération Covid ». Le meilleur antidote à la crise, c’est de faire confiance aux jeunes.