Dans un registre plus sombre, ce livre du sociologue Sébastien Petit met en lumière la « dépossession du travail intellectuel des ingénieurs », au travers d’une étude chez un grand fabricant de moteurs pour l’aéronautique rebaptisé Epma. À partir d’une enquête auprès d’ingénieurs et de techniciens de bureaux d’études, le chercheur montre que la maîtrise de leur travail leur échappe de plus en plus, sous l’effet du lean-management, du numérique ou de l’externalisation d’activités. Un livre critique sur la rationalisation budgétaire et du management qui « met en tension » le travail d’ingénierie. L’éclairage reste toutefois assez théorique et eut mérité plus de témoignages. Le sociologue fustige les dégâts d’une organisation de plus en plus contrôlée et sous-traitée, qui transforme les ingénieurs en « pilotes de projets », dans une instabilité permanente : « Chacun gère des temps, des budgets, des livrables, des équipes éphémères mais ne maîtrise plus le processus de conception », déplore-t-il. Si le constat n’est pas nouveau, ce livre prend une signification nouvelle face à la crise qui frappe le secteur aérien depuis le Covid-19 et qui doit se réinventer : « La société gagne-t-elle à former des travailleurs intellectuels qui se transforment en gestionnaires d’activité ? », questionne Sébastien Petit. Pour lui, dans cette industrie de pointe en tout cas, le talent des ingénieurs s’appauvrit.