Esquissant le futur de l’emploi face à la révolution numérique, cet essai coordonné par Christine Afriat, économiste spécialisée dans l’évolution des compétences, prône d’adapter la protection sociale à des parcours qui deviendraient de plus en plus hybrides. Des reconversions dans la transition écologique à un management éthique, un livre ambitieux et humaniste.
Exit les parcours professionnels classiques ? Dans cet essai collectif, économistes et consultants en RH réaffirment que la flexibilité du temps de travail et la diversité des statuts au fil de sa vie professionnelle vont se développer avec l’IA et le numérique : alternance entre salariat et indépendance, augmentation des temps partiels ou du télétravail… Cet éclatement du travail, analysent-ils, est déjà visible dans les entreprises « en réseau » (sous-traitance, multiplication des CDD, nomadisme) ou avec les travailleurs indépendants des plateformes. Et devrait s’accentuer avec le numérique : « Les aller et retour entre des statuts divers », entrecoupés « de périodes de chômage plus ou moins longues vont devenir fréquents dans le futur ». D’où l’urgence selon eux « de repenser une protection sociale adaptée » et de sécuriser les parcours professionnels (formation, « niveau de vie décent »). Les pouvoirs publics comme les entreprises devraient jouer le jeu d’accompagner ces transformations du travail. Car le système économique pourrait y perdre, « avec un risque de pauvreté » accru pour les classes moyennes touchées par le chômage technologique « et des tensions sociales » exacerbées, préviennent-ils.
« L’avenir du travail ne dépend pas d’un seul facteur, fût-il aussi puissant que la technologie. Il ne peut s’envisager qu’en croisant les évolutions techniques, les choix politiques et organisationnels des entreprises, et surtout des mouvements sociétaux », soutiennent-ils. L’enjeu de « la transition écologique et sociale » pourrait être une voie de reconversion à promouvoir, suggèrent les auteurs, soulignant les aspirations grandissantes des individus à s’engager dans les « tiers-lieux » et autres coopératives. Face aux risques de chômage liés à l’IA ou à la robotique, il faudrait « aller vers une reconnaissance plus forte d’activités non immédiatement rentables, dès lors qu’elles le sont sur le plan social et sociétal ». Revoir donc l’idée même « de valeur du travail » et de richesse. Une vision politique ambitieuse…
Quant aux entreprises, elles devront expérimenter de nouvelles formes de travail, selon les auteurs. Mais gare à la cohésion sociale : « Le management doit être repensé. Il faut trouver le moyen d’articuler plus fortement sur le terrain même innovation et humanisme » si elles veulent pouvoir compter sur les salariés face aux mutations des emplois. Les auteurs insistent sur les enjeux de la qualité de vie au travail. Et plaident pour une responsabilité sociale élargie « aux collaborateurs occasionnels » et autres indépendants. Une « éthique » à inventer.