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« La loi tend à uniformiser, mais il y a des possibilités d’adaptation »

Le point sur | publié le : 22.06.2020 | D. P.

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« La loi tend à uniformiser, mais il y a des possibilités d’adaptation »

Crédit photo D. P.

Quels sont les enjeux posés au CSE par la crise sanitaire ?

Deux enjeux se sont rencontrés alors qu’on était en plein changement des IRP. Nous étions déjà dans une période très spéciale, avec un bouleversement des pratiques de dialogue social dans les entreprises. Tout le monde était en train d’explorer les nouvelles modalités, au moment où intervient la crise sanitaire. Ce sujet tombe fort, alors que l’on est peu rodé…

Que pouvez-vous d’ores et déjà observer ?

Je pilote une des équipes de recherche qui évalue la mise en place des CSE pour France Stratégie, et qui sera amenée à analyser le rôle de la crise sanitaire dans la manière dont on va mettre en place les CSSCT, qui en grande partie n’étaient pas encore vraiment opérationnelles au moment de la crise. Il y a une grande diversité de situations. Certaines entreprises sont passées très tôt au CSE, donc elles ont déjà presque deux ans de pratique, et sont un peu plus rodées. Pour d’autres, la mise en place du CSE date de la fin de l’année dernière, soit quelques mois avant la crise et les commissions n’étaient pas en place. C’est une première source d’hétérogénéité. La deuxième source est à chercher dans la façon dont les entreprises se sont emparées du CSE. Certaines ont essayé de reproduire ce qui existait avant, en créant des CSSCT avec globalement les mêmes périmètres que les CHSCT. Mais il s’agit plus d’ETI ou de PME, avec des mono-établissements, où cette mise en place était plus simple. Par contre dans les grandes entreprises, les périmètres des CSE plus larges ne correspondent pas à ceux des CHSCT. Les pratiques ne sont pas encore mûres.

La volonté du gouvernement était d’uniformiser les pratiques. Est-ce réussi sur ce plan ?

On dit effectivement que la loi tend à uniformiser, mais il y a en fait beaucoup de possibilités d’adaptation. Par exemple, des entreprises ont décidé que les suppléants des CSE ne devaient pas être présents pendant les séances, mais pouvaient être membres des commissions. Ce qui crée des distorsions : ils sont dans des commissions, mais n’ont pas le droit de siéger dans des CSE qui vont travailler sur les sujets et ceux qui doivent donner leur avis ne sont donc pas ceux qui ont travaillé le dossier. L’information ne suit pas toujours bien. Idem, les délégués de proximité ne siègent pas toujours ni au CSSCT ni au CSE. Ils détiennent ainsi des informations qui ne circulent pas toujours bien… La loi devait décloisonner et permettre une transversalité, mais le problème est que les élus ne peuvent pas être experts de tous les sujets. La transversalité viendra des modes d’organisation des IRP, de leur capacité à faire dialoguer ensemble des composantes différentes. Ce qui suppose des changements d’attitudes et des pratiques exigeantes. La réussite viendra de l’attitude des élus. Les nouveaux basculeront peut-être plus facilement dans de nouvelles habitudes, ceux qui étaient déjà élus dans l’ancien système vont peut-être avoir tendance à reproduire les anciennes…

Pensez-vous que si l’ancien système était toujours d’actualité, le dialogue aurait été différent ?

Je ne crois pas vraiment, car tout le monde, globalement, a fait preuve de beaucoup de souplesse. On a pu observer que dans le cœur de la crise, les élus et les DRH ont travaillé de manière coopérative, même s’il y a eu quelques cas de dysfonctionnement. Ce n’est pas très surprenant, car cette crise n’était pas imputable aux entreprises, et la tendance à coopérer a été manifeste. L’information tombait au jour le jour, sur les dangers, les moyens de protection nécessaires, l’adaptation des postes de travail. Le gouvernement a réduit les délais de consultation du CSE, mais même dans ce cas, le temps du dialogue social était long par rapport à la réactivité nécessaire. Certains ont accepté des décisions en dehors des instances, avec des discussions parfois « en off » avec les représentants du personnel. Cela n’a pas forcément permis de clarifier les règles, mais souvent de construire de la confiance, même si cela a été beaucoup plus compliqué, quand la direction a tenté de minimiser les risques. Mais on a inventé, dans le cœur de la crise, des modes de fonctionnement qui ont permis de faire face à l’urgence.

Auteur

  • D. P.