Le dispositif est censé être un outil puissant contre toute forme d’esclavage. Il s’agit d’une liste, établie depuis 2004, soit bien avant l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, l’actuel président brésilien, et publiée par le ministère de l’Économie. Elle sert de guide, notamment pour les banques en matière de risque crédit et les acheteurs étrangers qui ne veulent pas être associés à ce genre de pratiques et contient les noms d’environ 180 entreprises mises à l’index par l’inspection du travail. Pourtant, la société Soebe Construção e Pavimentação, qui a fait partie de la liste, a remporté un appel d’offres pour un contrat de la part de l’État de São Paulo d’un montant de 2,4 millions de dollars, concernant un projet d’assainissement des eaux.
Certes, Soebe, comme beaucoup d’autres sociétés placées sur la liste, a fait appel, en février dernier, en déclarant pour sa défense que les conditions de travail désastreuses étaient le fait de l’un de ses sous-traitants. Et comme nombre d’entreprises, elle a obtenu gain de cause… Selon les défenseurs des droits des travailleurs, les juges seraient particulièrement cléments et négligeraient de s’informer réellement sur les conditions de travail.
Mais alors que l’inspection du travail brésilienne a fait appel de la décision du tribunal, cela n’a pas empêché l’État de São Paulo d’octroyer un contrat à Soebe. « La loi doit être plus contraignante afin d’éviter le recours à ces entreprises », a déclaré Lys Sobral Cardoso, la procureur chargée des procédures anti-esclavage dans le pays, tandis qu’une inspectrice du travail, Liane Durao, qui a réalisé l’audit de la société Soebe et découvert que les salariés n’étaient pas payés et travaillaient dans des conditions infâmes, logés dans des dortoirs sans lit et sans eau courante, estime que l’attitude des autorités « prouve qu’elles se moquent de la liste et encouragent l’esclavage ».
L’an dernier, plus de 1 000 travailleurs ont été considérés comme des esclaves par l’inspection du travail, contre 2 775 en 2012. En 2018, le Global Slavery Index estimait pour sa part que 369 000 personnes (sur une population totale de 205 millions) travaillaient dans des conditions d’esclavage au Brésil.