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Se redéfinir pour se rétablir

Chroniques | publié le : 22.06.2020 |

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Se redéfinir pour se rétablir

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Benoît Serre Partner au BCG, vice-président délégué de l’ANDRH

1 million de chômeurs en plus d’ici la fin de l’année. Telle est la prévision du ministère de l’Économie. Tout cela n’est pas certain et cette projection se fait sur les bases habituelles de la gestion des emplois. Bien sûr que les entreprises auront besoin de se transformer, de s’adapter et parfois de réduire leurs coûts. Elles peuvent être contraintes de le faire rapidement et de manière potentiellement conflictuelle. Pour autant, pour toutes celles qui le pourront, qui ne sont pas en danger immédiat, ce besoin impératif d’adaptation à la nouvelle donne économique est une opportunité de repenser leur fonctionnement, leur modèle social et économique. L’ampleur et la nature même de la crise imposent à tous de penser autrement, de se redéfinir plus que seulement se rétablir.

Choisir de lier transformation économique et transformation sociale est une option durable

Nous sommes désormais confrontés et pour plusieurs années à une instabilité permanente sous le triple effet de la crise écologique, sanitaire et évidemment économique. Plus que jamais les organisations ont besoin de trouver une agilité que les procédures du Code du travail ne leur donnent pas forcément. Il est d’ailleurs à noter que l’une des premières décisions de Muriel Pénicaud a été de réduire temporairement les délais d’information-consultation… est-ce une décision symbolique du décalage des temps sociaux et des temps de transformation ?

En écartant le PSE de cette règle, le gouvernement donne un signe clair : préférer la négociation, le dialogue social et la capacité à trouver ensemble des solutions plutôt que la contrainte.

Se passer du dialogue social dans cette période conduirait en effet à ajouter de la crise à la crise. On observe d’ailleurs que la tension sociale, un temps suspendue par le confinement, reprend de plus belle et sans doute plus rapidement qu’on ne s’y attendait. Les partenaires sociaux prennent des positions fortes et coupent court à certains débats comme celui du temps de travail. Leur position si malmenée pendant la crise des gilets jaunes semble renforcée. N’en prenons pour preuve que l’incapacité de s’entendre sur l’évolution du chômage partiel.

Lors de son allocution, le président de la République a souhaité qu’enfin dans notre pays de tradition jacobine « tout ne se décide plus à Paris », il serait sans doute pertinent d’y ajouter que tout ne s’y négocie pas non plus

En effet, pour se sortir de cette situation, les entreprises ont besoin de se réorganiser, de s’adapter, de remettre en cause leur « operating model », leurs compétences parfois dans des proportions importantes. Elles doivent de plus le faire vite. Or, on observe de plus en plus des appels réguliers à de grandes négociations nationales, on frôle le retour de la « conférence sociale » et l’on revendique un accord national interprofessionnel sur le télétravail. Le passé nous enseigne malheureusement que ces grandes « messes du social » aboutissent rarement et surtout ralentissent plus que ne facilitent les besoins de transformation.

Il existe pourtant des solutions juridiques apportées notamment par les ordonnances de 2017 pour trouver des terrains d’entente sur le terrain, au plus près de la réalité, pour se réorganiser rapidement et solidairement. Ce sont les accords de performance collective comme les ruptures conventionnelles collectives qui sont des outils protecteurs pour l’entreprise, les emplois et les salariés. Soumis à la condition majoritaire, ils ne sont pas aisés à négocier sans un dialogue social de haut niveau fondé sur la responsabilité des acteurs, la transparence des décisions à prendre et la volonté de redéfinir plus que de corriger. Nos entreprises sont souvent dotées de modèles sociaux construits par sédimentation et dont les termes alourdissent ou freinent parce qu’ils ont été définis dans une autre réalité. Les modifier relève de la gageure, car on s’oppose rapidement sur la notion de droits acquis. Pour autant, cela est possible et actuellement nécessaire. Qui peut ignorer que la digitalisation, les modes de travail, les générations montantes, l’attente de QVT ne sont pas autant de sujets qui remettent en cause des droits du passé pour une vision de l’avenir.

Voilà pourquoi repenser le modèle social pour l’adapter au modèle économique est la meilleure garantie de solidité de l’un comme de l’autre.