Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur Emérite HEC Paris
Dans le contexte actuel de sortie de crise, il semble opportun de s’interroger sur certains enseignements pour les DRH que nous pouvons retenir de cette période inédite. Parmi ceux-ci, une évolution, peut-être une révolution, des modes d’apprentissage a connu un succès grandissant durant la période de confinement : celui du microlearning basé sur des vidéos très courtes de 3 à 5 min pour apprendre un geste ou comprendre une pratique nouvelle. Les collaborateurs, surtout celles et ceux issus des générations les plus jeunes Y et Z, sont friands du microlearning reproduisant des usages qu’ils ont de plus en plus fréquemment dans leur vie personnelle si l’on en juge par le nombre de vidéos courtes postées sur Facebook ou la croissance phénoménale du réseau Instagram, le réseau des photos en ligne, qui permet de poster ou regarder de courtes vidéos limitées à 60 secondes.
Mais si la vidéo courte devient le mode d’apprentissage préféré des collaborateurs, la question se pose de la transformation progressive des modules traditionnels de formation d’e-learning ou des fameux Mooc ou Cooc en sessions ultracourtes sous la forme de sessions de microlearning facilement utilisables sur smartphones dans des environnements très différents au travail et ailleurs. Attention ! il ne s’agit cependant pas ici de défendre l’idée que l’ensemble de l’offre de formation doive nécessairement évoluer vers le microlearning en ligne sur smartphone. De nombreux apprentissages nécessitent en effet des temps longs et des échanges, en présentiel ou en virtuel, avec des formateurs et des pairs. Mais le développement du microlearning offre une réelle opportunité pour les entreprises en général, et les responsables de formation en particulier, de développer rapidement des modes d’apprentissage nouveaux et surtout beaucoup plus agiles.
Un autre avantage indéniable est de permettre à des managers de terrain de devenir eux/elles-mêmes des formateurs/trices en partageant sans risques, par des enregistrements et la diffusion de courtes vidéos, leur expérience et leur savoir-faire acquis durant une période de quelques années, voire souvent plus. Dans cette perspective, l’entreprise devient plus apprenante au sens de la vision exprimée par Peter Senge(1) et surtout le microlearning est un moyen efficient et efficace de développer l’intelligence collective qui requiert, selon Charlotte du Payrat(2), une évolution profonde des postures managériales. Se mettre en scène dans des courtes vidéos suppose en effet de la part des managers d’accepter d’être visibles et donc d’être évalué(e)s sur leur prestation, de se voir eux/elles-mêmes, ce qui n’est pas toujours chose facile, et de se plier aux règles élémentaires de la pédagogie. Bref, un apprentissage totalement nouveau pour des managers plus habitué(e)s à commander qu’à expliquer et à accompagner.
Un obstacle sérieux se pose néanmoins dans le développement du microlearning, à savoir la production facile des vidéos courtes de niveau de qualité professionnelle pour éviter la qualité, souvent faible, des vidéos personnelles postées sur Facebook ou Instagram. C’est ici que la créativité foisonnante des start-up vient résoudre un problème apparemment simple mais en réalité complexe à résoudre. Plusieurs solutions existent sur le marché mais indéniablement c’est la start-up Storyfox (3) qui remporte la palme par la simplicité et la facilité de sa solution. Cette solution permet en effet de créer en un temps record des vidéos de 3 min de niveau professionnel grâce à une prise en main extrêmement aisée et une phase de montage automatisée et instantanée. On se prend à rêver : va-t-on voir dans nos entreprises, grâce à ces courtes vidéos, de plus en plus de managers se prendre pour Daniel Auteuil dans le film Le Brio ? Si la solution technique existe, il n’en reste pas moins qu’il est nécessaire pour le/la DRH ou responsable de formation de faire évoluer parallèlement les mentalités car il ne faut pas oublier que la technologie est toujours une condition nécessaire mais jamais suffisante…
1) P. Senge, La Cinquième Discipline, éditions Eyrolles, 2015.
2) C. Du Payrat, Orchestrer l’intelligence collective, Pearson, 2019.