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Emploi : Comment limiter l’impact des restructurations ?

Le point sur | publié le : 15.06.2020 | Laurence Estival

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Emploi : Comment limiter l’impact des restructurations ?

Crédit photo Laurence Estival

Avec l’annonce des premières restructurations, entreprises, partenaires sociaux et pouvoirs publics réfléchissent à l’utilisation des différents outils à leur disposition ou à en créer de nouveau pour limiter les impacts sur l’emploi.

Le dépassement des 6 millions d’inscrits à Pôle emploi fin avril, toutes catégories confondues, soit 843 000 chômeurs de plus en un mois, a sonné comme un avertissement. L’augmentation au 1er juin du reste à charge des salaires des collaborateurs en activité partielle risque de rendre cet outil trop coûteux pour nombre d’entreprises, a alerté la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises). La situation se tend aussi dans les grands groupes, comme en témoigne l’annonce en cascade de plans de restructuration. « Dans de telles circonstances, les directions commencent à regarder comment réduire leurs coûts en jouant sur les rémunérations, y compris parfois des dirigeants », détaille Laurent Termignon, directeur de l’activité Talent &Rewards de Willis Towers Watson. Avec une révision à la baisse des parts variables qui contrairement à la réduction du salaire de base ne nécessite pas un accord, un gel des embauches, du recours à l’intérim, voire une diminution des frais fixes. Le recours plus important au télétravail ouvre quant à lui la porte au redimensionnement des locaux, voire « le recours à des collaborateurs travaillant dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est moins élevé. Mais il est peu probable que cela soit suffisant », poursuit le responsable de Willis Towers Watson.

Solutions douces

Les entreprises et partenaires sociaux l’ont bien compris. Chez LHH comme chez PwC, les appels de DRH se succèdent quand les syndicats se forment à vitesse grand V pour trouver non pas la solution miracle, mais la plus acceptable, avant la négociation de licenciements individuels ou de PSE (plan de sauvegarde de l’emploi). Dans les solutions « douces », toutes les potentialités de la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) devraient être explorées, via des propositions de formation pour préparer l’évolution des compétences aux nouveaux enjeux ou la mobilité entre filiales d’un même groupe quand elle est possible ou entre sociétés d’un même bassin d’emploi, via le développement des prêts de main-d’œuvre.

« L’envoi en formation pour une montée en compétences à court terme est une bonne solution, mais pour prendre un poste à plus long terme, c’est beaucoup plus compliqué vu le manque de visibilité sur le rythme et l’intensité de la reprise », met en avant Éric Beaudouin, président d’Oasys Consultants. Et si l’UIMM vient de créer une bourse interne qui pourrait s’élargir à des secteurs connexes comme la plasturgie pour mettre en relation « offreurs et demandeurs », les freins statutaires – son salaire comme sa convention collective d’origine continuent de s’appliquer au salarié prêté –, psychologiques ou les compétences pas toujours transposables amenuisent l’importance de prêt de main-d’œuvre. Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT, refuse toutefois de baisser les bras : « Nous réfléchissons à des dispositifs qui pourraient s’appliquer à des TPE ne disposant pas des mêmes capacités d’ingénierie que les grandes entreprises pour utiliser cette solution. »

D’autres dispositifs comme les départs volontaires individuels ou les RCC (ruptures conventionnelles collectives) ne devraient pas non plus être d’un grand secours. « Car compte tenu des difficultés de reclassement, quitter volontairement une entreprise c’est prendre un ticket pour l’assurance chômage », souligne Grégory Olczak-Godefert, directeur associé du département droit social de Fidal. Si les départs à la retraite anticipée pourraient être activés, les entreprises regarderont à deux fois avant de desserrer les cordons de la bourse, selon cet avocat.

Les APC, un moindre mal ?

Créés par les ordonnances de 2017 dans un contexte qui n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui, les APC (accords de performance collective) pourraient en revanche prendre un nouvel élan. Moins violents que des PSE, ils permettent en mettant direction et syndicats autour de la table de trouver un compromis demandant certes des efforts en termes de salaires ou d’avantages sociaux aux salariés. « Mais ces derniers peuvent négocier des contreparties. Les entreprises pourraient s’engager sur le maintien de l’emploi, observe Marie Bouny, directrice de la Practice Performance sociale chez LHH. Ces accords sont une manière pour elles de conserver les compétences et de pouvoir bénéficier des effets positifs dès la reprise. Nombre d’employeurs sont en effet inquiets face au risque que représente la perte de ces collaborateurs qu’ils ont formés ou recrutés non sans difficulté. »

Concernant ces dispositions dérogatoires au contrat de travail pendant toute la durée de l’accord, Vincent Mazuy, responsable de mission chez Secafi, cabinet de conseil aux instances représentatives du personnel, répond : « Le principal garde-fou sont les organisations syndicales et en leur absence les salariés ou leurs représentants : l’entreprise ne peut pas passer en force, car il faut un accord majoritaire. L’accord peut prévoir des clauses de retour à meilleure fortune rendant caduques les modifications ».

Considéré comme un moyen de faire « le gros dos », « l’APC contrairement aux autres dispositifs ne vise pas la suppression de postes, poursuit le consultant. En cas de refus des modifications de son contrat de travail, le salarié peut être licencié dans des conditions plus défavorables qu’un PSE. Mais celui-ci est inégalitaire, son contenu étant jugé par l’administration à la hauteur des moyens du groupe. »

Grégory Olczak-Godefert met quant à lui en garde les employeurs tentés par un APC. « C’est un processus qui demande du temps sans être sûr du résultat. En cas d’absence d’accord des partenaires sociaux, les employeurs devront alors se tourner vers un PSE. » Pour les salariés aussi les avantages et inconvénients doivent être pesés. S’ils n’acceptent pas les nouvelles conditions prévues par un APC approuvé et signé, ils seront alors licenciés sans accompagnement quand un plan social prévoit des mesures sur la durée pour aider au reclassement des collaborateurs. « Attention toutefois, compte tenu de la situation, les PSE ne devraient pas être très généreux », insiste Marie Bouny.

L’imagination au pouvoir

La crise actuelle ayant un caractère inédit, la commission conseil en évolution professionnelle du Syntec Conseil propose d’ailleurs de mettre en place des mesures d’accompagnement pour tous les salariés licenciés, quelles que soient la taille de leur société et les raisons de leur départ, les employeurs devant financer cette prestation. « Cette mesure permettrait aux entreprises de montrer qu’elles sont réellement responsables », explique Éric Beaudouin. « Il faut effectivement faire attention aux effets d’aubaine », renchérit Marylise Léon.

Parallèlement au maintien de l’activité partielle jusqu’à la fin de l’année afin de permettre un rebond de l’économie, l’UIMM a imaginé dans un manifeste pour relancer l’activité un outil intermédiaire qui concernerait les salariés dont l’activité devrait être réduite de 40 % maximum, avec en contrepartie une rémunération comprise entre celle du chômage partiel actuel (84 % du salaire net) et celle du régime d’assurance chômage classique (autour de 70 % du salaire net) à laquelle l’État ou l’Unédic participerait. Les entreprises ayant recours au dispositif s’engageraient, elles, à maintenir l’emploi durant sa mise en œuvre. À l’issue de la rencontre avec les partenaires sociaux le 4 juin, le président de la République a demandé à Muriel Pénicaud de lancer une consultation sur le chômage partiel devant à la fois redéfinir les contours du dispositif de droit commun et les modalités concrètes d’un nouvel outil baptisé « activité réduite pour le maintien de l’emploi », frère siamois de la proposition de l’UIMM poussée par le Medef et adoubée par trois organisations syndicales de salariés.

Auteur

  • Laurence Estival