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Interview : « Les entreprises doivent se regrouper et travailler en interaction avec les transporteurs »

Le point sur | publié le : 08.06.2020 | A. F.

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Interview : « Les entreprises doivent se regrouper et travailler en interaction avec les transporteurs »

Crédit photo A. F.

Directeur du département Mobilités à l’Institut Paris Région, Dany Nguyen-Luong estime que les entreprises et les opérateurs doivent avancer dans une même direction : désaturer le réseau et améliorer la sécurité des usagers à bord.

Quel est le principal enjeu du déconfinement dans les transports en commun ?

La priorité des opérateurs a été de limiter à 15 %, par rapport à une situation normale, la fréquentation dans les transports en commun. Même si elle reprend progressivement, nous sommes depuis le début du confinement loin des indicateurs de congestion habituelle aux heures de pointe. Pour parvenir à désaturer le réseau, plusieurs leviers ont été actionnés tels que le filtrage à l’entrée des stations en faveur des salariés, la verbalisation des passagers sans attestation employeur, la condamnation d’un siège sur deux, et l’aménagement de pistes cyclables temporaires, notamment le long des lignes de métro très fréquentées.

Les entreprises ont été encouragées à favoriser le télétravail et à élargir les plages d’arrivée et de départ de leurs salariés. Ces mesures sont-elles efficaces ?

Jusqu’à présent, le télétravail n’avait pas réussi à réduire le nombre de déplacements aux heures de pointe, qui restent très marqués le matin entre 7 h 30 et 9 h 30, ainsi que le soir entre 17 h et 20 h. Mais, depuis le début du confinement, l’impact du travail à distance sur les mobilités a été très notable et il pourrait perdurer après la crise sanitaire. En revanche, la différence de trafic imputable au lissage des heures de pointe est plus difficile à évaluer. Si le décalage des horaires à l’université de Rennes 2 a été pertinent pour désaturer le réseau car il portait sur un public très ciblé, il présente plusieurs freins. Dans les pôles d’activité, comme Plaine-Commune ou La Défense, cette flexibilité ne peut pas s’appliquer à tous les métiers, comme ceux du nettoyage ou du commerce, et nécessite un changement de culture managériale. Or, il faut qu’au moins 20 % des salariés sur un site puissent décaler de trente minutes à une heure leurs horaires de travail pour observer un lissage du pic d’affluence.

Comment améliorer ce lissage ?

Les entreprises doivent se regrouper et travailler en interaction avec les transporteurs pour mettre en place une organisation collective des horaires de travail. D’autre part, pour éviter la congestion de certaines rames, les déplacements doivent mieux se répartir en termes d’horaires mais aussi d’itinéraires. Les opérateurs cherchent à améliorer l’information délivrée aux usagers sur le niveau de saturation des lignes pour les aider à planifier leurs trajets. Aujourd’hui, l’évaluation de l’état du trafic passe par le comptage des entrées via la validation des Pass Navigo et Imagine R, les observations des agents, les caméras. Mais ces données, devant être traitées en amont, ne peuvent pas être diffusées en temps réel aux passagers sauf en cas d’incidents. De plus, comme les stations de métro à Paris et de nombreuses gares ne sont pas équipées de système de validation à la sortie, ces chiffres sont faussés. Il n’existe pas d’équivalent de Waze pour les transports en commun.

Quelles sont les autres pistes pour désaturer les réseaux ?

Pour réduire la saturation des réseaux de transports, l’une des politiques est d’investir dans des projets de création d’infrastructures coûteuses. Le projet de prolongement du RER E (Eole) à l’ouest de Paris, depuis la gare Haussmann-Saint-Lazare jusqu’à Mantes-La-Jolie en passant par la Porte Maillot et le quartier d’affaires de La Défense, vise entre autres à réduire la saturation sur le RER A en favorisant le report d’une partie de la demande sur cette nouvelle ligne. À budget constant, les opérateurs peuvent aussi réfléchir à une meilleure répartition des horaires des trains en fonction de la demande des usagers, à condition d’engager un travail de concertation avec eux. Malheureusement, pour ne pas déséquilibrer le temps de parcours du train, si l’on veut augmenter la fréquence de passage à une gare où il y a plus de monde, il faudra la réduire ailleurs. Il y aura donc forcément des gagnants et des perdants. Dernier levier, l’autorité organisatrice de la mobilité et les opérateurs encouragent l’intermodalité, en renforçant dans les gares de banlieue la capacité des parcs-relais et le stationnement vélo sécurisé, et incitent les usagers à favoriser les modes de déplacement alternatifs comme le vélo. Au-delà du déconfinement, l’enjeu est de réduire le trafic automobile polluant en Ile-de-France.

Auteur

  • A. F.