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Le monde d’après : l’illusion de la refondation de l’entreprise

Chroniques | publié le : 08.06.2020 |

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Le monde d’après : l’illusion de la refondation de l’entreprise

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Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur émérite à HEC, président de l’AGRH

Au terme de ces trois mois particulièrement éprouvants, de nombreux observateurs font preuve d’un optimisme quelque peu démesuré quant à l’impact de la crise systémique que nous avons tous vécue chez nous et dans nos entreprises : le télétravail va devenir le mode d’organisation de l’entreprise du futur ! La priorité va être désormais donnée aux enjeux sociaux et environnementaux ! Rien ne sera plus comme avant : c’est la fin du « command and control » dans les modes de régulation de nos entreprises ! Et l’on pourrait multiplier ainsi le nombre d’oracles de ces experts, tous plus convaincus les uns que les autres, que le monde d’après ne sera plus comme celui que nous avons tous connu jusqu’au 15 mars 2020 en appelant à une véritable refondation de l’entreprise.

Mais l’expérience des premières semaines de déconfinement et surtout les défis des mois à venir notamment en termes d’emploi appellent à une attitude beaucoup plus humble et réaliste1 : la première préoccupation aujourd’hui de nos entreprises est, en effet, de retrouver un équilibre entre, d’une part, le respect des règles d’hygiène et de sécurité pour les collaborateurs et, d’autre part, le retour rapide à un niveau d’efficience et d’efficacité économiques pouvant assurer leur survie en préservant les emplois et leur développement futur. Bien sûr, l’expérience de la pandémie aura laissé des traces profondes dans les modes de fonctionnement et l’organisation des entreprises, mais de là à nous faire croire que rien ne sera plus comme avant, c’est juste un discours de certains qui veulent en faire un nouveau business de conférences et de conseil.

Il nous faut « raison garder » en pratiquant des retours d’expérience sur ce qui a bien marché et sur ce qui a été plus difficile à mettre en œuvre dans les entreprises et, sur ce registre, les DRH peuvent avoir un rôle clé pour développer les capacités de résilience des individus et des organisations. Il serait, par exemple, particulièrement intéressant de faire en interne un « audit de résilience » qui permettrait d’identifier toutes les initiatives qui ont contribué au maintien de l’activité et au bien-être des collaborateurs, mais aussi les freins et les difficultés rencontrées. Ceci pour apprendre de cette expérience inédite et sans doute faire évoluer, en conséquence, les modes de fonctionnement et d’organisation sans céder à l’illusion de la refondation de l’entreprise.

Enfin, comme nous l’avons tous vu durant cette période inédite, les meilleures réponses imaginées et mises en œuvre dans les hôpitaux, les administrations et les entreprises pour répondre aux nombreux défis sanitaires et économiques n’ont pas été le fruit de la réflexion d’un seul ou de quelques experts, mais plutôt d’un travail qui a mobilisé toutes les intelligences, quels que soient leurs statuts. C’est une belle illustration du fameux proverbe africain très populaire sur les réseaux sociaux : « Tout seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin ». L’une des leçons à retenir de cette crise semble donc être l’importance cruciale de l’intelligence collective2 dans un monde plus en plus VUCA (en français : volatile, incertain, complexe, ambigu) en utilisant notamment des outils numériques d’analyse sémantique ayant recours à l’intelligence artificielle pour pouvoir analyser des milliers de verbatims de managers et de collaborateurs3.

(1) Voir le nouveau livre du philosophe Bernard-Henri Levy sur son scepticisme quant aux leçons à tirer de la crise du coronavirus : Levy, B.H. : Ce virus qui rend fou, Grasset, juin 2020.

(2) Du Payrat, C. : Orchestrer l’intelligence collective, Pearson, 2019.

(3) Voir la solution Talk4, l’une des plus avancées aujourd’hui sur le marché : https://www.talk4.pro