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Les clés

Le management ou l’illusion du « bon sens »

Les clés | À lire | publié le : 01.06.2020 | Lydie Colders

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Le management ou l’illusion du « bon sens »

Crédit photo Lydie Colders

Dans ce recueil de ses chroniques publiées sur son site « The Sign Off », Olivier Sibony, professeur à HEC, revient sur son sujet de prédilection : les erreurs humaines des décisions des cadres dirigeants ou celles des RH. Et déconstruit les idées reçues, à grand renfort d’études. Un plaidoyer tonique pour un management « scientifique », à prendre avec un certain recul.

L’intuition et l’expérience n’auraient-elles donc pas d’intérêt ? Là où nombre de consultants prônent plus d’humanité en entreprise, Olivier Sibony prend l’exact contre-pied ou presque dans son livre. Et prône au contraire « une science du management » qui ferait défaut aux décideurs. Selon lui, « l’idée du bon sens » des cadres dirigeants pourrait vite virer à la « pensée magique » sous couvert de pragmatisme, et induire en erreur… S’appuyant sur des études en psychologie cognitive, il donne une quarantaine d’illustrations de ces « biais » trompeurs : prise de décision, créativité, recrutement ou évaluation, tout y passe, sur un ton non dénué d’humour, mais très personnel. Exemple ? Le brainstorming pourtant répandu n’engendrerait pas plus d’idées brillantes qu’en planchant seul, « en raison de l’autocensure ». Quant aux convictions qui guident les décisions, « nous aurions trop tendance à trouver partout des raisons de les confirmer » et à négliger « les très nombreuses informations qui suggèrent le contraire ». Ce « biais de confirmation » peut être source d’erreur, « et vous rendre sourd à quelques bonnes remarques » d’un collègue, surtout si « vous le tenez pour un parfait imbécile ». Au passage, l’ex-consultant en stratégie en profite parfois pour donner quelques conseils (élargir ses estimations, s’interroger sur ses raisons…).

Clin d’œil aux RH, Olivier Sibony évoque un travers connu : « l’irréductible subjectivité des évaluations » annuelles. En réalité, ces entretiens mesureraient seulement « 25 % de la performance objective » du salarié d’après les études citées, le reste tenant de la « sévérité » du cadre ou du RH qui mène la danse. Que la grille soit allégée n’y changerait rien : impossible d’éviter « ce biais de notation » sur les compétences des salariés.

« Excès de confiance »

Idem pour les entretiens d’embauche. Selon lui, l’appréciation d’un recruteur pêche par « excès de confiance » en soi, trop centrée sur la personnalité d’un candidat et « sous-estimant le poids du contexte et de la chance ». Sur ce point, le propos mérite d’être relativisé, ou en tout cas pris avec un peu de légèreté. Car l’auteur force trop le trait sur les erreurs des recruteurs (étude sur le jeu faussé des questions-réponses, etc.). S’il ne cache pas un faible pour « un entretien structuré », avec des questions standards prédéfinies sur le poste, on peut ne pas adhérer à son avis ultra-rationnel. Mais ces chroniques bien troussées sont une invitation à « s’ouvrir à la recherche » ou à « expérimenter ». Après tout, l’enseignant le rappelle lui-même : on peut s’améliorer, mais « nous ferons nécessairement des erreurs ».

Et le management n’est pas une science exacte !

Auteur

  • Lydie Colders