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Management : Que garder du confinement ?

Le point sur | publié le : 01.06.2020 | Lys Zohin

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Management : Que garder du confinement ?

Crédit photo Lys Zohin

La crise sanitaire a bouleversé les organisations de travail en place et challengé comme jamais les managers. Il leur a fallu gérer, tout à la fois, et souvent à distance, des équipes maintenues sur site, d’autres en télétravail, sans abandonner les collaborateurs en activité partielle. Et sans oublier de prendre du recul et de préparer la reprise. Une expérience riche en nouvelles pratiques – dont certaines méritent d’être conservées…

Dans une récente étude, CoachHub, une plateforme de coaching digital, indiquait que le propre des bons managers était « de se remettre régulièrement en question, et pas seulement en temps de crise ! », comme le précise d’emblée Maud Piquion, team lead France pour CoachHub. Reste que le défi posé par la crise sanitaire, qui s’est traduit par l’adoption soudaine du télétravail, avec ou sans accord d’entreprise sur ce sujet, et la mise au chômage partiel, tout aussi brutalement, de certains salariés, n’a pu que renforcer cette valeur fondamentale pour les managers. Ils ont dû, au pied levé, non seulement organiser le travail selon de nouveaux modes, mais aussi, et surtout, apporter, selon l’expression de Maud Piquion, de « la sécurité psychologique » aux collaborateurs. Indispensable à prodiguer en général, « elle est d’autant plus nécessaire en temps de crise, ajoute-t-elle. Les managers ont dû recréer à distance un environnement bienveillant, pour que chacun puisse échanger de manière constructive et se sente écouté ». D’autant qu’en fonction de leur situation personnelle ou familiale, « certains collaborateurs pouvaient légitimement se sentir isolés », précise, de son côté, Pascal Grémiaux, président d’Eurecia, une société spécialisée dans les logiciels de gestion RH. « Il a fallu établir une nouvelle relation entre manager et managé », dit-il. Ce qu’il a choisi de mettre en avant pour nourrir cette nouvelle relation, c’est sa « confiance dans l’organisation et son modèle économique, de même que dans l’intelligence collective et la résilience ».

Certains managers ont également dû gérer la dimension émotionnelle, en raison d’angoisses individuelles liées à la pandémie, mais aussi d’ordre professionnel, face à la situation de l’entreprise, qui pouvait – et peut encore – impliquer à terme des changements importants, voire des suppressions d’emploi… Pas question, donc, d’échanger uniquement sur la performance. « Il faut considérer les collaborateurs dans une dimension plus large et les accompagner dans l’autonomie de la gestion des tâches », poursuit Maud Piquion. Au-delà de discussions sur les objectifs fixés pour la période de confinement, les managers avaient en effet comme devoir premier de s’enquérir de la santé physique et psychologique des collaborateurs. Ces derniers prenaient-ils soin de décrocher face au risque rampant de surchauffe en télétravail, par exemple ?

« Au même titre que la crise sanitaire nous a fait prendre conscience de ce qui est essentiel, comme certaines professions, dont les soignants, elle a mis en lumière un autre “essentiel” : la santé physique et psychologique des collaborateurs dans une entreprise », souligne à cet égard Geoffroy de Lestrange, responsable de la stratégie marketing et produit et du talent management chez Cornerstone, un cabinet de consulting international. Le management au temps du confinement ne s’est donc pas résumé à des moyens mis en place – visioconférences collectives régulières et conversations individuelles –, il a surtout souligné la nécessité d’une posture managériale faite d’écoute et d’empathie. Une fois acquises, ce sont autant de qualités à cultiver sur le long terme.

Vision de l’organisation

Les managers ont également eu à gérer des situations différentes, une partie des équipes étant en télétravail, d’autres en chômage partiel. Avec d’éventuelles frustrations entre ceux dont le métier permettait de travailler à distance, et d’autres pas… Et faire en sorte que tous continuent de se sentir appartenir à l’organisation. Certaines ont trouvé des solutions. Ainsi, Pierre Guirard, président de WYZ, une société qui propose des solutions digitales pour la vente de pneumatiques et la gestion de flottes de voitures, a ajouté un petit plus à la visioconférence de 45 minutes à laquelle étaient conviés tous les salariés, quel que soit leur statut – en télétravail ou au chômage partiel –, chaque semaine pendant le confinement. En plus du quart d’heure d’informations sur la situation de l’entreprise, le président a reçu un appui extérieur – dirigeants d’entreprises, médecins, sportifs, économistes – qu’il invitait tous les lundis. Ressentant que leur questionnement personnel pouvait résonner chez d’autres, y compris de grands patrons ou des experts dans des domaines totalement différents du leur, les collaborateurs de WYZ se sont sentis faire partie d’un collectif national et leur moral en a été « reboosté ». « Le succès a été tel que je pense maintenir l’initiative à l’avenir », souligne Pierre Guirard.

Réengager les collaborateurs

Quelles que soient les méthodes de gestion des équipes adoptées pendant le confinement, les managers ont dû également réfléchir à la reprise. Et si certains collaborateurs trépignaient d’impatience pour reprendre le chemin du bureau, d’autres n’avaient pas cette même envie… « Pour réengager les collaborateurs, il faut leur permettre de se projeter », explique Pascal Grémiaux. Dans ce but, Eurecia a préparé un plan de reprise, partagé avec les 80 salariés, dans lequel les modalités de retour au travail, sur la base du volontariat, et évidemment assorties de mesures sanitaires, ont été clarifiées. « La note a largement désamorcé les craintes », dit-il. Pour qu’ils puissent se projeter davantage, les collaborateurs d’Eurecia ont également pu prendre connaissance de nouveaux projets, concrets, que le dirigeant a concocté durant le confinement.

Si la période de crise a servi de test pour le management, elle aura également été l’occasion d’une réflexion plus générale sur le fonctionnement et la culture de l’entreprise. Pour Geoffroy de Lestrange, cette adaptation à une situation exceptionnelle « va marquer ». Plus d’agilité et de créativité à l’horizon, donc. Autre élément marquant de la crise, selon lui, le collaboratif. La société dans son ensemble a dû faire un effort collectif pour contrer la pandémie, en restant enfermée de longues semaines. Certaines entreprises ont rivalisé d’initiatives et d’innovations pour, les unes fabriquer du gel ou des masques, les autres, s’associer pour produire des ventilateurs. Déjà, celles qui étaient en avance dans leur transformation digitale en ont touché les dividendes pendant le confinement. Celles qui cultivaient la confiance et l’empathie envers leurs collaborateurs, aussi.

Nouvelles valeurs

Désormais, un champ plus vaste s’ouvre pour les organisations : celui de la préparation et de l’anticipation. D’un « plan B », en cas de nouvelle crise, en somme. « Le coronavirus n’est qu’un petit échauffement, assure Geoffroy de Lestrange, par rapport à la crise climatique, ou d’autres, qui pourraient advenir. » Autant d’enseignements à retenir du confinement.

Auteur

  • Lys Zohin