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Emploi : Dans la crise, l’insertion passe par les GEIQ

Le point sur | publié le : 25.05.2020 | Dominique Perez

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Emploi : Dans la crise, l’insertion passe par les GEIQ

Crédit photo Dominique Perez

Les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification, doucement mais sûrement, sont devenus des acteurs qui comptent, surtout en temps de pénurie de compétences. Spécialisés ou multisectoriels, leur avenir dépend de l’attitude des entreprises et de la reprise, notamment, des secteurs du bâtiment et de l’industrie.

Juste à temps : pour la cinquième année consécutive, les GEIQ (groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification) ont ouvert leurs portes au public et aux professionnels, en proposant pendant trois jours des animations dans toute la France les 11, 12 et 13 mars derniers, soit quelques jours avant le confinement. Un coup dur pour des groupements d’employeurs qui souhaitent communiquer sur un mode d’insertion professionnelle qui cherche à accroître sa notoriété, et qui prenaient leur place dans la pénurie de compétences connue avant la crise. Cet épisode leur permettra-t-il de mettre en avant des principes de solidarité et d’accompagnement social et professionnel qui font leur spécificité ? « Les GEIQ sont dépendants des activités de leurs adhérents, s’inquiète François Lévy, secrétaire général de la fédération des GEIQ. Certains secteurs ont ainsi continué leur activité, pas totalement mais avec un bon niveau, comme la propreté ou le transport. Par contre, le bâtiment (un tiers des adhérents) ou l’industrie ont presque complètement arrêté. Les choses se sont remises en route, mais trois quarts des salariés des GEIQ ont été en chômage partiel. » Une reprise en douceur donc, et un avenir en question pour ces GEIQ, employeurs eux-mêmes…

Des réponses sur mesure

Avec 68 000 entreprises adhérentes réunies dans 171 GEIQ et 15 000 bénéficiaires, ce dispositif est encore mal connu, parce que difficile à ranger dans les catégories habituelles du monde de l’insertion. « Juridiquement, nous sommes des associations, nous formons mais sous contrat de travail, il s’agit d’alternance mais pas toujours d’apprentissage, nous proposons des contrats à des jeunes, mais pas seulement… » Les GEIQ, de plus, sont les employeurs des salariés en insertion, mais sont administrés par les entreprises elles-mêmes, ce qui permet de s’ajuster au plus près de leurs besoins en matière de qualification. Ce modèle, hors période de crise tout au moins, quand certaines compétences sur le marché de l’emploi étaient très recherchées, a de quoi séduire des employeurs. C’est, après le monde agricole, le secteur du BTP qui a porté les créations des premiers GEIQ. Ainsi du GEIQ BTP44 de Nantes, qui comprend 60 salariés travaillant dans une quarantaine d’entreprises, « créé à la suite des premières clauses d’insertion qui accompagnaient les gros chantiers. Les entreprises disaient qu’elles savaient recruter un maçon, mais n’avaient pas l’expérience pour former et accompagner des personnes en difficulté », explique Michel Lamy, directeur du GEIQ BTP 44 situé à Saint-Herblain, près de Nantes. Administrés par des entreprises, comprenant des salariés et équipes de direction dédiés à cet accompagnement, les GEIQ avaient toutes les cartes à jouer quand, de plus, la pénurie de main-d’œuvre a conduit les employeurs à chercher des profils peu qualifiés de jeunes ou personnes en réinsertion. « Le GEIQ comprend plusieurs avantages, synthétise Nicolas Lahore, directeur général délégué de l’entreprise de travaux publics Soubestre, située à Tarnos dans les Landes, comprenant 50 salariés, et président de GE+, l’un des cinq groupements d’employeurs réunis au sein de la structure À Lundi, en Aquitaine. Le groupement d’employeurs permet d’apporter une aide hors emploi que l’on ne retrouve pas habituellement dans l’intérim classique. La priorité est d’aider à la stabilisation sociale pour remettre d’équerre les salariés, et de donner une chance au projet de chacun. Cela crée moins de pression pour les employeurs, qui sont moins fermés sur des profils de gens aux parcours parfois cabossés. »

Des GEIQ multisectoriels ou spécialisés

Peu à peu, les GEIQ ont ainsi attiré des entreprises de différents secteurs, dans des domaines essentiellement pénuriques. Si beaucoup sont spécialisés sur un secteur, certains GEIQ réunissent aujourd’hui plusieurs activités. C’est le cas de À Lundi, qui fonctionne comme un ensemblier, permettant d’intégrer et d’organiser la formation de salariés de profils différents, du niveau 5 au niveau master. Parti d’un GEIQ BTP Landes et Côte basque créé en 2000, il a développé successivement un GEIQ Industries Sud Aquitaine et un GEIQ Interpro Sud Aquitaine en 2011, couvrant les métiers de l’industrie, du commerce et des services tertiaires.

Avec 204 salariés et 80 millions d’euros de chiffre d’affaires, il est devenu une véritable machine de guerre de l’insertion sur le territoire. « Ce qui a fait notre réussite, ce sont beaucoup les réseaux et partenariats que nous avons mis en œuvre, estime Ghislaine Lesca, directrice générale de À Lundi. Le GEIQ Industrie par exemple a été créé avec l’UIMM, et nous avons inclus dès le début Pôle emploi, les missions locales, les Opco, les fédérations, les organismes de formation… »

À côté de quelques mastodontes, les autres ont pour but de répondre spécifiquement à des besoins identifiés dans un secteur d’activité, ou pour une catégorie de population. Ainsi le GEIQ Emploi et handicap, basé dans les Hauts-de-France avec une antenne en Normandie, a été créé il y a cinq ans par François Delannoy, ancien directeur de Cap Emploi. « Le GEIQ m’a semblé bien correspondre aux besoins des personnes handicapées, témoigne-t-il. Des personnes souvent sous-qualifiées, et qui se heurtent aux freins psychologiques des employeurs, aux préjugés. Le GEIQ permet de tenter l’expérience, c’est lui l’employeur, cela laisse une souplesse aux entreprises. D’autant que nous organisons l’aménagement des postes de travail. » Parti d’enseignes de vente par correspondance (avec La Redoute notamment), il s’est peu à peu étendu à d’autres métiers, dont ceux du tertiaire « support » (comptabilité, secrétariat…) pour des salariés âgés en moyenne de 40 ans, préparant des qualifications et diplômes allant des CQP aux masters. Avec des résultats à la hauteur des espérances : 79 % d’insertion durable à l’issue de la formation. Cependant, la crise du Covid-19 risque d’impacter avec force l’activité du GEIQ, s’inquiète le directeur. « Les salariés en situation de handicap ont été les premiers touchés par la crise du Covid, car premiers collaborateurs mis en retrait des entreprises, à la suite des annonces gouvernementales de mars. Ma crainte ? Que ce soit les derniers rentrés. La responsabilité des employeurs sur les mesures de protection sanitaire les incite à se rassurer sur l’état de santé des salariés en reprise. Les salariés “à risques” se voient donc pénalisés, et incités à rester confinés. » De bons augures cependant ? « Quant à l’alternance, les projets actuels ont été suspendus, poursuit-il. En revanche, les perspectives de septembre (notamment pour les grands groupes) sont maintenues. Le GEIQ se concentre actuellement sur le sourcing de ces candidats en situation de handicap. Notre espoir : que l’un des enseignements de cette crise soit l’importance de l’humain dans nos systèmes, gageons pour que les entreprises soient plus inclusives ! » Début de réponse à la rentrée de septembre…

Trente-cinq ans d’existence

25 juillet 1985 : une loi permet aux petites entreprises de s’associer au sein d’un groupement d’employeurs pour mutualiser les emplois. En signant des contrats de travail en CDI à temps plein, gérés par le groupement, les employeurs sécurisaient des parcours professionnels, notamment des travailleurs saisonniers. À l’origine destiné aux entreprises de 250 salariés au plus, il s’est progressivement ouvert à des employeurs de toute taille. Le 5 mars 2014 : alors que le législateur ne l’avait pas envisagée initialement, la vocation d’insertion et de qualification est affirmée par la loi.

Auteur

  • Dominique Perez