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Le grand entretien

« L’Allemagne a mis en place le plus grand programme d’aide aux entreprises de son histoire »

Le grand entretien | publié le : 18.05.2020 | Benjamin d’Alguerre

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« L’Allemagne a mis en place le plus grand programme d’aide aux entreprises de son histoire »

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

L’Allemagne a entamé son déconfinement progressif le 20 avril, mais la crise du Covid-19 laissera des traces dans son tissu économique (360 millions d’euros de pertes quotidiennes dans le seul secteur de l’automobile). Même au pays des grands accords de branche, c’est pour l’instant l’État fédéral qui mène la barque en attendant la reprise.

Quels sont les dispositifs mis en place par le gouvernement allemand pour sécuriser les entreprises et les salariés durant la crise du Covid-19 ?

Le gouvernement fédéral allemand a mis en place un vaste programme d’aide pour l’économie, les salariés, les indépendants et les entreprises. Il s’agit du plus grand programme d’aide de l’histoire de la République fédérale. Fin avril 2020, le volume total des mesures s’élève à 353,3 milliards d’euros et le volume total des garanties à 819,7 milliards d’euros. Les mesures du gouvernement fédéral pour aider les entreprises et soutenir l’économie sont les suivantes : un fonds de stabilisation économique, des allocations de chômage partiel, une réglementation du temps de travail flexible et un soutien à la trésorerie des entreprises par le biais de reports d’impôts.

Le fonds de stabilisation économique (FSE) mis en place par le gouvernement fédéral allemand s’élève à environ 600 milliards d’euros dont 400 milliards pour des garanties de crédit, 100 milliards pour des mesures relatives aux capitaux et un maximum de 100 milliards pour les programmes de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), une institution financière de droit public allemand. La KfW propose différents programmes de prêts par l’intermédiaire des banques. Jusqu’à présent, les programmes de la KfW ne pouvaient être utilisés que pour des investissements. En raison de la crise, ces programmes sont désormais ouverts au financement de fonctionnement ou d’inventaires. Cela permet d’alléger les difficultés financières des entreprises et de recourir à des garanties. 50 milliards d’euros sont destinés à l’aide d’urgence aux petites entreprises, aux travailleurs indépendants et à ceux qui sont autonomes. Les entreprises de toutes tailles bénéficient aussi d’une aide fiscale pour améliorer leur trésorerie jusqu’à la fin de l’année : les autorités fiscales accordent des reports d’impôts, les paiements anticipés d’impôts peuvent être ajustés et les mesures d’exécution sont supprimées.

Les Länder sont-ils impliqués dans le processus d’aide aux entreprises ou s’agit-il d’une compétence de l’État fédéral ?

Parallèlement à l’aide apportée par le gouvernement fédéral et la KfW, tous les Länder soutiennent également l’économie par une aide financière globale. Les programmes individuels varient d’un Land à l’autre, tout comme les conditions d’accès et la procédure concrète de présentation des demandes. Presque tous les Länder offrent une aide d’urgence et des prêts.

Quelles sont les règles de chômage partiel accessibles aux entreprises et aux salariés allemands ?

Pour soutenir les salariés et maintenir les emplois, les entreprises peuvent demander des indemnités de chômage partiel si au moins 10 % des employés sont touchés par la crise. Grâce à l’indemnité de chômage partiel, les entreprises concernées peuvent continuer à employer leurs salariés. En effet, elles peuvent faire payer les coûts salariaux et les cotisations de sécurité sociale par l’Agence fédérale pour l’emploi. Cela inclut également les travailleurs temporaires. L’indemnité de chômage partiel permet ainsi d’éviter les licenciements et cette mesure peut s’appliquer jusqu’à la fin de l’année.

Combien d’entreprises et de salariés sont concernés par les mesures d’arrêt d’activité et de confinement ?

Selon l’Agence fédérale pour l’emploi en Allemagne, en avril 2020, 718 000 entreprises avaient eu recours au dispositif de chômage partiel et 10,1 millions de personnes en étaient bénéficiaires. Mais les chiffres pourront seulement être confirmés lorsque le chômage partiel sera comptabilisé sur la base des informations qui seront soumises par les employeurs. Or, il est à noter que les mesures exceptionnelles prises par le gouvernement fédéral pour faciliter l’usage de cet instrument visent à garantir le maximum d’emplois.

Les branches et les entreprises négocient-elles des accords pour encadrer les conditions de la reprise et, si oui, quels types d’accords ?

Pour l’instant, l’exécutif garde la main. Face à la situation d’urgence actuelle et du fait de la nature de l’organisation étatique de l’Allemagne, le gouvernement fédéral prend les décisions conjoncturelles en concertation avec les Länder. Ainsi, la chancelière fédérale et les 16 chefs de gouvernement des Länder se sont entendus sur la marche à suivre pour poursuivre la lutte contre le coronavirus. Or, l’assouplissement des mesures de confinement depuis le 20 avril et les nouvelles règles veulent consolider les résultats obtenus ces dernières semaines. De ce fait, les restrictions de contacts en vigueur depuis la mi-mars ont été prolongées jusqu’en mai. Cependant, de nombreux magasins ont pu reprendre leurs activités depuis le 20 avril. Ces mesures concernent en grande partie les surfaces de moins de 800 m2, ainsi que tous les vendeurs de voitures et de vélos et les librairies, indépendamment de leur surface. Néanmoins, ces mesures peuvent varier d’un Land à l’autre. En effet, ces derniers fixent eux-mêmes l’application exacte de la règle. Toutefois, il s’agit de la première étape de la stratégie de déconfinement de l’Allemagne qui se fera de manière progressive selon les Länder.

Tous les entrepreneurs allemands sont-ils partisans d’une reprise générale de l’activité ?

Bien sûr, les entreprises préconisent une reprise rapide de leurs activités. De fait, rien que dans l’industrie automobile, la perte s’élèverait à près de 360 millions d’euros par jour selon Ferdinand Dudenhöffer, expert du secteur. La voix des entreprises est donc particulièrement importante pour les autorités afin de faire face aux conséquences économiques émanant de la crise du Covid-19. Cependant, les recommandations du gouvernement fédéral et des Länder pour la reprise des activités doivent également garantir les normes sanitaires primordiales pour lutter contre la pandémie du virus. Le cadre dans lequel se fait le déconfinement progressif de l’État fédéral est ainsi défini par les autorités et s’applique de manière égalitaire ou, le cas échéant, selon les secteurs.

Concernant les mesures en termes de travail, des dérogations à la loi sur le temps de travail en raison de l’épidémie sont en vigueur depuis le 27 mars. Ces mesures ont été prises par le ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales, en accord avec le ministère fédéral de la Santé. Les exceptions à la durée maximale du travail, aux périodes minimales de repos et à l’interdiction générale de travailler le dimanche et les jours fériés sont cependant réglementées par cette ordonnance. Jusqu’à présent, tous les Länder n’ont pas promulgué de règlements correspondants par décret. De plus, les décisions générales existantes sont parfois très différentes en ce qui concerne le contenu des règlements et de leur durée. Ainsi, certains règlements des Länder vont au-delà des dispositions du règlement national, d’autres sont plus restrictifs.

Parcours

Polytechnicien (Ponts et Chaussées) et diplômé en droit, Guy Maugis a travaillé plusieurs années au ministère de l’Équipement. Il a ensuite poursuivi sa carrière chez Pechiney où il a notamment dirigé l’usine de laminage de Rhenalu Neuf-Brisach, puis au sein du groupe américain PPG dont il a présidé la branche verre Europe. Après le rachat de PPG Glass Europe par Ashai Glass, Guy Maugis a pris la présidence des activités automobiles européennes du groupe japonais avant d’en diriger les activités de business développement au niveau mondial. Conseiller du directoire du groupe Bosch, il en a dirigé les activités en France, en tant que président de Robert Bosch France, de 2004 à 2016. Administrateur de Constellium, il est également senior advisor du fonds de private equity KPS, ainsi que des sociétés Alixio et IAC.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre