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Le grand basculement du confinement pour réinventer le travail

Chroniques | publié le : 18.05.2020 |

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Le grand basculement du confinement pour réinventer le travail

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François Silva Directeur de la recherche et du corps professoral de l’ICD Chercheur au Laboratoire du DICEN du Cnam ; Franck Hertzberg DRH Groupe VYV

En cette période, la seule certitude est que les impacts de la crise seront nombreux. Notre première urgence d’acteurs des organisations est de procéder à la bonne observation des phénomènes à l’œuvre et de ne pas tirer de conclusions hâtives.

Le fait majeur et déterminant pour l’avenir est la synchronicité généralisée du télétravail. En une journée, le 18 mars, 5 millions de salariés ont basculé en télétravail. Beaucoup d’équipes dirigeantes avaient de fortes réticences à l’égard de ces pratiques de travail à distance. Vivre cette expérience aura eu le mérite de le comprendre et d’en mesurer les effets et attendus : rééquilibrage entre vies personnelle et professionnelle, nécessité de doter les salariés du matériel adéquat, conviction que le télétravail permet du bon travail.

Désormais, il n’y aura plus ceux qui y croient et les autres. Une récente enquête1 auprès des salariés du groupe VYV montre que 53 % pensent qu’ils sont aussi efficaces en télétravail, 27 % qu’ils sont moins efficaces, 20 % qu’ils sont plus efficaces.

Avec le télétravail, le management n’est plus sur le mode du contrôle et de la surveillance.

Un salarié sur cinq seulement a des échanges et des contacts presque quotidiens avec son manager. 90 % d’entre eux se sentent suffisamment soutenus par leur manager tout comme ils estiment que les relations avec leurs collègues sont suffisamment fluides. Le rôle repensé du manager se retrouve ainsi dans une posture d’accompagnement et de régulation.

Le télétravail obligera à repenser les espaces de l’entreprise :

du lieu de production à espace de la relation.

Désormais, la production est déspatialisée, reposant la question du lieu qu’est l’entreprise. Ils sont plus de la moitié (56 %) à estimer que leur présence n’est pas nécessaire. Les bureaux sont devenus des espaces vides. Il semble nécessaire d’en redéfinir les usages. Le premier d’entre eux : la cohésion sociale. Le télétravail met en avant le besoin et l’exigence de temps « physiques » dédiés au développement des liens, de la convivialité et plus largement du faire société de toute organisation. Les lieux seront le lien, il est nécessaire de les aménager pour qu’ils soient des zones d’intelligences relationnelle et collective.

Le télétravail permet d’envisager autrement le rapport temps/performance.

La seule économie des temps de transports est un capital précieux, en permettant de concentrer toute son énergie au travail et ne pas en perdre en « allant au travail ».

De même, la nécessaire forte concentration obligée par les visioconférences permet une optimisation du temps de travail en limitant le nombre et la pertinence tant des réunions que de leurs participants.

Enfin, le télétravail consacre l’autonomie de chacun.

L’adaptation en urgence des organisations a souvent eu pour effet positif l’abandon, temporaire, de procédures dont l’existence est justifiée plus par l’histoire ou une vision bureaucratique de l’activité que par une valeur ajoutée. Le télétravail permet une nouvelle allocation du temps, plus à la main du collaborateur, et renforce les dynamiques de travail et performance réels au détriment de la prescription managériale. Le manager étant attendu sur le soutien qu’il apporte aux équipes et l’animation à distance du collectif.

Ces observations doivent être complétées du rôle central qu’auront à jouer les DRH dans l’adaptation durable des organisations du travail, le renforcement des architectures humaines que sont nos entreprises et le pilotage des politiques de redressement économique, dans un dialogue social transformé, car il se jouera lui aussi sur des enjeux qui se situent « hors des murs » de l’entreprise.

(1) Étude portant sur les 400 salariés du siège du Groupe VYV (47 000 salariés) le 27 avril 2020. 86 % des salariés ont répondu ; montrant ainsi l’intérêt pour eux de cette enquête.