voici revenir le chômage de masse. Nous nous entassions dans des open-spaces et nous palabrions devant des machines à café : les nouveaux télétravailleurs découvrent l’isolement. Le burn-out n’est plus de gérer son patron et ses clients, mais plutôt de gérer ses clients et ses enfants dans le même salon. Nous vivions dans un occident moderne et sécurisé grâce à la technologie. Mais l’image d’un monde stable, fiable et sécurisant se fissure. Les images post-apocalyptiques fournies par le cinéma ou les séries semblent plus proches de ce que nous vivons. Ces fictions sont-elles désormais les modèles de management à suivre ?
inutile de se projeter quelques siècles en avant ou en arrière. Hollywood a inventé la science-fiction d’aujourd’hui et, avec elle, un genre particulier : la fiction post-apocalyptique. Dans « The Last Ship » ou « I’m a Legend », c’est le monde d’aujourd’hui qui s’écroule sous les ravages d’une pandémie mondiale. Blockbuster oblige, il faut faire simple et limiter les personnages. Trois archétypes apparaissent donc. Les premiers sont les héros. Ils sont militaires (il faut bien rétablir l’ordre et éviter le chaos) ou scientifiques (il faut bien trouver le vaccin). Les deuxièmes sont les traîtres : à l’inverse des précédents, ils ignorent l’intérêt général et cherchent à tirer profit de la crise. Les troisièmes, enfin, sont… tous les autres : le reste de l’humanité est représenté comme une foule errante, sale et finalement redevenue animale. Le premier message est simple : les crises ont besoin de héros et elles en révèlent. Mais, même après des épreuves, n’est pas héros qui veut. Pour trouver le vaccin, il faut d’abord être médecin. Tel est le second message de ces blockbusters : les héros se trouvent parmi l’élite.
hollywoodienne ne rejoint pas notre réalité. Les héros applaudis à 20 heures ne sont ni militaires ni chercheurs. Ils sont soignants, livreurs ou caissiers. Pas d’élite ici, mais des gens ordinaires portés par une intention forte : sauver des vies. Si la quête du héros est toujours épique, quoi de plus épique que d’être au front pour sauver ? Pas de calculs, pas de panache, une évidence. Et c’est cette abnégation qui en fait le caractère héroïque.
combien d’entreprises ont une raison d’être sociétale, de celles qui font monter au front ? Pour les jeunes pousses, les envies de disruption cachent des besoins économiques bien traditionnels et rarement altruistes. Pour des entreprises plus installées, la tentation de la rente, la paresse du conformisme l’emportent sur l’entrepreneuriat et l’impact sociétal. Une vraie raison d’être, cette boussole de sens, agit sur l’engagement des salariés, car elle contribue à redonner à l’entreprise son statut d’institution. Un employeur donne un salaire, une entreprise sert ses actionnaires et ses clients. Une institution s’adresse à la société dans son ensemble. Cette position particulière lui donne une finalité qui dépasse les enjeux financiers et les contingences productives. Cette finalité irrigue l’identité de ses salariés et donne un sens nouveau à l’appartenance à l’organisation.
la tête tout droit dans le guidon, si avant de parler de raison d’être il est normal de parler de viabilité ou de survie, n’oublions pas que regarder loin c’est rassurer sur le présent. Et si tout cela semble un peu éloigné du quotidien opérationnel, alors il y a un événement majeur pour piloter à la lumière de cette raison d’être : le déconfinement. Que garder de ces étranges huit semaines ? Quelles sont les difficultés qui se présentent à nous ? Était-ce vraiment raisonnable de reprendre le 11 mai sans savoir répondre à ces questions ?