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Formation : Une reprise pas simple pour les établissements

L’actualité | publié le : 11.05.2020 | Benjamin d’Alguerre

Organismes de formation et CFA peuvent désormais rouvrir, mais selon des règles sanitaires strictes. Néanmoins, après deux mois de prestations dégradées, le secteur redoute un effondrement lors de la « vraie reprise » en septembre.

Depuis ce lundi 11 mai, organismes de formation (OF) et centres de formation d’apprentis (CFA) sont autorisés – sous réserve du respect des conditions sanitaires adéquates – à rouvrir progressivement leurs portes au public. Fermés par décision administrative depuis le 16 mars dans le cadre du confinement, ces établissements avaient été priés de se convertir d’urgence aux vertus de la formation en ligne pour continuer à assurer leurs cours auprès de leurs stagiaires ou apprentis. Soulagement chez les professionnels ? Oui, mais mesuré. « On va probablement connaître une longue traversée du désert jusqu’à la fin 2020 », confesse Alain Tomczak, directeur de l’École des Métiers de Dijon, un établissement qui accueille 1 200 apprentis chaque année. Le CFA dijonnais a programmé une réouverture à compter du 2 juin, mais, règlement sanitaire oblige, la présence physique des apprentis sera limitée à une journée par semaine dans des classes réduites. « Sauf pour les 35 % de “décrocheurs” qui n’ont pas été en mesure de suivre les cours distantiels durant le confinement et bénéficieront de sessions de rattrapage dans les salles informatiques de l’établissement », précise Alain Tomczak. Mais pour l’essentiel des apprentis, l’e-learning restera la norme jusqu’à la fin du semestre.

Risque de casse

Problème : le confinement est tombé en pleine campagne de recrutement des apprentis pour la rentrée 2020. Et à l’image de l’École des Métiers de Dijon, les différents réseaux de l’alternance craignent de voir les inscriptions en CFA s’écrouler d’ici septembre prochain, brisant la dynamique enclenchée depuis la réforme de l’apprentissage de 2018. Une situation d’autant plus délicate que ces établissements ne sont plus désormais financés par subvention des conseils régionaux, mais selon un « coût-contrat » dépendant du nombre d’inscrits… « Le risque de casse est réel. Si un coup d’arrêt de la dynamique de l’apprentissage venait à survenir en septembre, on le payerait durant les deux ou trois prochaines années », soupire Francis Dumasdelage, président régional de la Fédération de la formation professionnelle (FFP) de Nouvelle-Aquitaine.

Mêmes inquiétudes du côté des OF à l’activité tournée vers les salariés et les demandeurs d’emploi. Si le secteur s’est lui aussi dirigé vers la formation à distance pour faire face à la crise, le danger pèse sur les stages présentiels. « Rien ne dit que les entreprises renverront leurs salariés en formation en mai et juin », indique Claire Pascal, directrice générale de Comundi, un prestataire qui assure encore un quart de ses sessions en salle. « Un tiers de nos organismes adhérents ont cessé leurs activités pendant la crise et ne sont pas sûrs de pouvoir la reprendre à son issue », abonde Michel Clézio, président du Synofdes, fédération d’organismes associatifs plutôt tournés vers la formation présentielle au vu des publics accueillis, parfois très éloignés de l’emploi, qui nécessitent un accompagnement sans écran interposé.

Un secteur déjà fragilisé

Pour les « OF », l’enjeu est double : il s’agit à la fois de faire revenir les stagiaires dans les salles de cours, mais aussi de les accueillir dans de bonnes conditions sanitaires. FFP et Synofdes ont d’ailleurs planché sur un « guide métier » en ce sens pour compléter le protocole de déconfinement gouvernemental. Mais la perspective de limiter le nombre de participants aux sessions de formation présente des risques, notamment pour les prestataires payés à l’heure-stagiaire. Mezzo voce, on murmure que 10 % des organismes auraient mis la clé sous la porte ou seraient sur le point de le faire. « Mais c’est tout le secteur, déjà fragilisé par les grèves de décembre, qui souffre », résume Claire Pascal. Seul avantage de la crise aux yeux des acteurs, la transition digitale de la branche a reçu un coup de pouce inespéré. Mais à quel prix ?

Dans ces conditions, la mobilisation des pouvoirs publics durant la crise (mobilisation du FNE-Formation, maintien du financement au « coût-contrat », contrôle continu et prolongation des contrats des apprentis privés d’entreprises d’accueil pour les CFA) a constitué une bouffée d’air. Mais un arrêt total de l’intervention étatique risquerait de compromettre la vraie reprise de septembre pour le secteur qui demande une mobilisation exceptionnelle pour inciter les retours en formation (aides à l’embauche d’apprentis, mobilisation des régions et des Opco…). Pour l’instant, le ministère du Travail ne s’engage à rien, attendant la phase 3 pour procéder à d’éventuelles annonces.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre