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Dialogue social : osez le courage !

Chroniques | publié le : 27.04.2020 |

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Dialogue social : osez le courage !

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Benoît Serre Vice-président délégué de l’ANDRH

Chacun à sa manière est acteur de la crise actuelle. Demain, chacun devra aussi l’être de la gestion de ses conséquences pour transformer les difficultés économiques et sociales annoncées en autant d’opportunités pour relire et rénover notre modèle social et notre manière de le faire vivre.

Il est difficile de prédire ce qui restera de ces moments inédits. Certains parient sur une extension sans précédent du télétravail, d’autres sur un rééquilibrage perceptible entre contraintes économiques et engagements sociaux. Beaucoup appellent de leurs vœux ce fameux « monde d’après » sans bien savoir comment le décrire.

Tout cela pourtant ne restera que conjectures si ceux qui auront en charge ces transformations de la « manière d’être et de vivre » en entreprise n’ont pas le courage de se rénover eux-mêmes pour porter demain des évolutions profondes et durables. Tous les acteurs économiques et sociaux sans distinction sont appelés ainsi à réévaluer leurs postures, à évoluer dans leurs comportements parfois si attendus et prévisibles.

On voit les prémices de cette difficulté à se remettre en cause. Les déclarations récentes des uns et des autres résonnent comme une résurgence du vieux monde avec son lot d’oppositions, ses déclarations de droits et de devoirs, parfois ses menaces. Le jeu social joue à plein depuis quelques jours comme si ses acteurs entendaient reprendre après la crise le débat permanent qui les occupe depuis tant d’années. On voit ici ou là apparaître des évolutions qui disparaissent bien vite au gré des déclarations maladroites des uns et des réactions caricaturales des autres.

Il ne faut pas s’y méprendre. Ce n’est que par le dialogue social au plus près des réalités de l’entreprise que pourra émerger une refondation du modèle social. Limiter ce dialogue aux seuls acteurs institutionnels serait une erreur. Encore une fois, chacun à sa manière joue son rôle dans cette crise. Que l’on soit au travail, en télétravail ou en chômage partiel, chaque acteur économique participe au moment. Cela donne le droit à chacun d’être acteur directement de sa suite.

À certains égards réapparaissent les oppositions classiques où les uns accusent les autres d’ignorer les enjeux sanitaires quand d’autres reprochent aux uns de faire fi d’une réalité économique qui se dégrade chaque jour et dont les conséquences à moyen terme seront terribles. Ce n’est pas en opposant qu’on tirera les leçons de cette crise mais au contraire en unifiant les enjeux autour d’un objectif : quel modèle social demain garantira l’emploi et la santé, la croissance et la sécurité ?

Si les acteurs sociaux se sentent chacun dépositaire exclusif de l’une des parties de l’équation, alors le rééquilibrage si nécessaire n’apparaîtra pas. Nous attendrons naïvement la prochaine crise pour en mesurer les désastres en se promettant à nouveau le monde d’après.

Pour cela, il faut avoir le courage de remettre en cause ses propres raisonnements et l’intelligence de se dire que tous les acteurs, dirigeants, collaborateurs, partenaires sociaux ont un objectif commun. Rénover le modèle social, c’est poser sur la table tous les sujets d’organisation et de temps de travail, de digitalisation et de formation, de rémunération et de responsabilités, de management et d’autonomie. C’est repenser le système sans interdit ni posture. Ne pas reposer tout le débat social nous privera rapidement de la capacité d’innover, de faire autrement et mieux et réduira d’autant nos chances de limiter les effets de la crise.

Il faut du courage, de la constance et du dialogue permanent, sans quoi les tensions sociales des derniers mois réapparaîtront encore plus fortes. Ce travail commence dès maintenant car nous entrons dans une période d’instabilité, chacun mesurant que la désorganisation des entreprises sera durable tant qu’on ne disposera pas de la certitude que la crise sanitaire est derrière nous. Là est la responsabilité des acteurs sociaux institutionnels, celle de montrer le chemin et l’exemple par leurs comportements et leur détermination à travailler ensemble. Il en va de leur légitimité !