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Pour en finir avec la financiarisation : la revanche du travail réel dans l’après Covid-19 ?

Chroniques | publié le : 20.04.2020 |

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Pour en finir avec la financiarisation : la revanche du travail réel dans l’après Covid-19 ?

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Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur émérite à HEC, président de l’AGRH

Beaucoup s’interrogent

sur la place et le rôle de l’entreprise à l’issue de cette crise majeure que nous vivons actuellement sans pouvoir présager totalement de l’avenir, car nous devons rester modestes, comme le suggère Maurice Thévenet, délégué général de la FNEGE et professeur à l’ESSEC, dans une superbe masterclass virtuelle de l’ESSEC sur le management en temps de crise1. Parmi les observateurs avertis, Klaus Schwab, fondateur et président exécutif du Forum de Davos, est devenu un fervent partisan du « capitalisme des parties prenantes » comme le modèle à adopter par les entreprises dans l’après Covid-19, puisqu’il s’agit d’assurer avant tout la préservation et la résilience à long terme de l’entreprise, et son ancrage dans la société2. Cette critique du capitalisme financier court-termiste est d’autant plus étonnante qu’elle vient de l’un des chantres de la financiarisation des entreprises depuis la création du Forum de Davos en 1971.

La remise en cause

du mouvement de la financiarisation se retrouve également dans les ouvrages récents de Pierre-Yves Gomez, professeur à l’EM Lyon, qui voit dans le capitalisme spéculatif, caractérisé par l’obligation des entreprises de proposer sans cesse de nouveaux projets et des innovations, l’origine de sa grande faiblesse pour satisfaire les promesses faites aux investisseurs et notamment aux fameux fonds de pension3. Par voie de conséquence, il précise que « le travail réel, bien fait, concret… est devenu secondaire : il a perdu de son sens, même aux yeux de ceux qui travaillent. D’abord parce que les entreprises se sont bardées d’écrans, de contrôles, de ratios, de toutes sortes de normes, pour s’assurer que le fameux profit promis aux investisseurs sera réalisé »4. Face à cette dérive de l’entreprise vers « l’entreprise-tableur »5, on peut espérer que la crise du coronavirus soit l’occasion de redonner sa vraie place au travail réel, qu’il soit en présentiel ou à distance, permettant aux collaborateurs de retrouver le sens qu’ils ont progressivement perdu comme en témoignent les résultats des études régulièrement menées sur ce thème6.

Dans cette perspective,

le retour en force du travail réel est un sujet dont les DRH et les managers devraient s’emparer dans l’après Covid-19 en s’appuyant notamment sur les démarches déjà engagées par un nombre croissant d’entreprises sur la définition de leur raison d’être. Repenser la place du travail dans l’entreprise va être en effet déterminant après une telle crise, et c’est aux DRH, en particulier, de prendre le flambeau de la refondation de l’entreprise vers le moyen et le long termes aux antipodes du court-termisme de la financiarisation. Gageons que la conviction de Klaus Schwab, fondateur du Forum de Davos, en faveur du « capitalisme des parties prenantes », les soutienne dans cette mission.

(3) Gomez, P-Y : L’esprit malin du capitalisme, Desclée de Brouwer, 2019

(5) Gomez, P-Y, op. cit. ch.2

(6) Deloitte & Viadeo : Sens au travail ou sens interdit ? Pour s’interroger enfin sur le travail, décembre 2017

À noter : ma prochaine chronique proposera des pistes pour développer le travail réel.