Dans son livre Vers un contrat social pour l’âge entrepreneurial, version traduite et imprimée de son ouvrage publié sur Amazon en 2018, Nicolas Colin, patron d’un fonds d’investissement dans les start-up, plaide pour individualiser la protection sociale à l’heure de l’économie numérique. Et bouscule le rôle des syndicats pour accompagner ce virage. Un essai détonnant, hélas inabouti.
L’héritage social « de la classe ouvrière » serait-il dépassé ? C’est l’avis de Nicolas Colin, ancien Inspecteur des finances reconverti dans le financement des start-up, qui appelle dans son livre à un nouveau « contrat social 2.0 » adapté à l’économie numérique. La protection sociale et le syndicalisme industriel du XXe siècle ne répondraient plus aux besoins des entreprises numériques, qui tirent « leurs rendements » de la qualité de service des clients, de la collecte de leurs données, mettant « en réseau » clients et entreprises, estime-t-il. S’il se dit convaincu « que les syndicats ont joué un rôle essentiel dans l’émergence de la classe moyenne à l’âge de l’automobile et de la production de masse », l’auteur soutient qu’ils doivent élargir leur horizon face à « l’instabilité des emplois » liée aux technologies : il leur faudrait admettre « que l’individu est au centre » de l’économie numérique…
Plutôt qu’instaurer des rapports de force en entreprise pour « maintenir leurs adhérents dans leur emploi actuel », face aux mutations qui s’accélèrent, il estime donc urgent d’imaginer des syndicats dont la mission serait de les aider dans leurs mobilités « interprofessionnelles » pour se reconvertir dans d’autres secteurs porteurs. Parmi ces derniers, Nicolas Colin croit dur comme fer à l’essor des métiers de services de proximité (aide à domicile ou livreurs), le Smic français aidant selon lui à des salaires décents. Des emplois accompagnés par les technologies « poussées par les services publics ». Dans ce modèle social, les syndicats devraient assurer « des dispositifs d’assurance mutuelle contre certains risques critiques, mais aussi des aides de garde d’enfants et au logement dans les grandes villes devenues inaccessibles » pour la classe moyenne, selon l’auteur. Un syndicalisme de services élargi en quelque sorte, ambitieux. Dommage que l’auteur reste si évasif sur cette notion « de risques » et sur les piliers de ce système de protection sociale, multipliant les allusions aux assurances privées à l’anglo-saxonne. Un essai explosif jusqu’au bout. Car, selon cet entrepreneur, les instances syndicales seraient aussi les mieux placées « pour aligner les intérêts les travailleurs avec ceux des consommateurs » qui deviennent « une partie prenante importante » dans cette économie digitale. S’il tente d’illustrer cette évolution par les luttes sur le salaire minimum aux États-Unis, ce propos reste elliptique. Des idées chocs, mais souvent mal étayées.