L’État reprend-il aux CSE d’une main ce qu’il leur donne de l’autre ? D’un côté, la loi d’urgence contre la crise sanitaire du 22 mars offre à l’instance un renforcement de son rôle dans la prise de décision concernant la mise en place de l’activité partielle dans les entreprises, les modifications temporaires de l’organisation du travail ou les règles dérogatoires au temps de travail et au repos des salariés1… de l’autre, les ordonnances parues le 25 mars semblent redonner la main aux directions d’entreprises sur les politiques d’intéressement et de participation ou les modulations des RTT et des CET des salariés. De quoi créer quelques interrogations chez les élus des comités sociaux et économiques qui étaient en droit de s’attendre à une nouvelle donne dans le dialogue social d’entreprise. « Le CSE qui s’imaginait prendre le pouvoir dans l’entreprise risque d’avoir du mal. Les ordonnances publiées à propos de la durée du travail et du repos remplacent l’obligation de consultation du CSE par une simple information sans délai… », décrypte Mireille Dispot, secrétaire nationale confédérale CFE-CGC à l’égalité des chances. Les CSE, qui auraient pu espérer retrouver davantage d’influence dans les entreprises que les ordonnances de 2017 ne leur en donnaient, vont-ils devoir y renoncer ? Tout dépend de leur capacité à reprendre le dialogue social en main, répond Luc Berard de Malavas, consultant au sein du cabinet RH Secafi. « Depuis le début de la crise, les CSE sont surtout sollicités sur l’activité partielle pour laquelle la consultation reste obligatoire. » Selon lui, les comités sociaux et économiques auraient une carte à jouer pour redevenir une interface entre directions et salariés autour des questions d’adaptation du travail dans les entreprises qui maintiennent une activité. « Des sujets qui, en période de risques sanitaires, auraient la vertu de remettre les questions de santé-sécurité – hier prérogatives des CHSCT, aujourd’hui reléguées loin derrière les questions économiques dans les ordres du jour des réunions – au cœur des problématiques sociales des entreprises. » Pour Dominique Simonpoli, président de l’Association Dialogues, l’occasion est donnée aux pouvoirs publics d’ouvrir de nouveaux espaces de négociation collective aux CSE. « Dans les entreprises de moins de 250 salariés, où il n’existe pas de délégués syndicaux, le CSE devrait retrouver le pouvoir de négocier des accords et se transformer, en séance plénière, en conseil d’entreprise », estime-t-il. Bref, un nouveau champ du dialogue social à rendre possible sur fond de situation d’exception.
(1) Un accord d’entreprise permet à l’employeur de modifier les dates de congés d’un salarié, dans une limite de 6 jours et à condition de l’en avertir au moins une semaine auparavant. Seuls les reliquats des congés à prendre avant le 31 mai sont concernés.