Le dernier rapport du ministère du Travail sur les accidents de travail en Espagne, qui vient d'être publié, fait ressortir, sur la période janvier- août 2020, une augmentation des accidents mortels par rapport à la même période l'an dernier. Le nombre de décès passe de 437 à 471. Une évolution qui a surpris les observateurs, alors que le volume total des accidents du travail n'a cessé de baisser ces dernières années. De 892 012 entre janvier et août 2019, ils sont passés à 622 273 cette année. Comment expliquer cette mortalité accrue, alors que nombre d'entreprises étaient fermées ou avaient mis leurs salariés en télétravail ? Pour Ana García de la Torre, spécialiste de la santé au travail pour le syndicat UGT, citée dans le quotidien El País, si la diminution générale des cas d'accidents est due à la moindre activité des entreprises, associée au fait que les salariés ne se déplacent plus, ce qui réduit les accidents sur leur trajet (recul de 35,9 % des accidents liés au transport), l'augmentation des cas mortels s'explique par le fait que « la prévention, en cette période de pandémie, est passée au second plan ». Une interprétation que semble partager Daniel Toscani, professeur de droit du travail à l'université de Valence. « Sans doute y a-t-il eu un certain laxisme, du fait de l'accent mis sur les mesures de protection face au nouveau coronavirus », avance-t-il. Le recul des accidents, en général, serait également dû au fait que, comme le précise Pedro J.Linares, chargé de la santé au travail pour le syndicat Centrale Ouvrière, « certains, les moins graves en l'occurrence, ont été sous-rapportés ces derniers mois ». La raison, selon lui, tient à ce que les entreprises, là aussi occupées à lutter contre la Covid-19, n'ont pas toujours envoyé les documents nécessaires à l'administration de la santé. Bref, l'amélioration des chiffres serait en trompe-l'œil... D'autant que la détérioration des conditions de travail de certains – aux champs, notamment – ne peut que rendre leurs tâches toujours plus dangereuses. « La précarité tue, déclare ainsi Ana García de la Torre, du syndicat UGT. D'autant que notre système de prévention a connu une évolution défavorable depuis la réforme du travail de 2012 », faisant référence à la flexibilisation du marché de l'emploi initiée par le gouvernement conservateur de l'époque.
Reste enfin les décès liés au nouveau coronavirus. Le rapport n'en comptabilise que 15. « Comment est-ce possible, alors que la contagion a pu se faire sur le lieu de travail ? », s'interroge Pedro J.Linares, qui souligne par ailleurs que le rapport de l'Association des médecins et personnels soignants indique que plus de 60 praticiens sont décédés de la Covid-19 depuis le début de la pandémie.