Conformément à ce qu'il avait annoncé en juin, Hubertus Heil, le ministre du Travail allemand, va déposer prochainement une proposition de loi sur le télétravail. Selon des informations dans la presse allemande, le texte prévoit un droit au télétravail, au domicile ou ailleurs, pour au moins 24 jours par an, si les tâches des salariés et les activités de l'entreprise le permettent. En outre, afin de s'assurer que le télétravail n'entraîne pas une surcharge de travail, les employeurs devront faire en sorte que les salariés notent toutes les heures travaillées de chez eux et fassent un reporting, faute de quoi l'employeur pourrait se voir infliger une amende d'un montant allant jusqu'à 30.000 euros. Enfin, les accidents de travail qui surviendraient dans le cadre du télétravail seraient bien considérés comme tels et, en conséquence, couverts, pour l'ensemble des coûts, par l'assurance employeur.
Alors que d'autres pays d'Europe – les Pays-Bas, depuis 2015, et plus récemment l'Espagne – se sont dotés de dispositifs encadrant le télétravail, et que la Grèce et l'Irlande ont annoncé leur intention de le faire, l'Allemagne a eu du mal à s'emparer du sujet. Pourtant, selon des enquêtes publiées avant la pandémie de Covid-19, 40% environ des salariés allemands souhaitaient pouvoir bénéficier, une partie du temps au moins, du télétravail. Depuis, le pourcentage est monté aux deux tiers, selon les enquêtes menées par plusieurs think tanks économiques allemands, assorti d'une demande de cadre juridique clair sur le sujet. Reste que la proposition de loi ne fait pas l'unanimité outre-Rhin. Plusieurs fédérations patronales estiment qu'une loi n'est pas nécessaire. Ingo Kramer, président de l'Association des employeurs allemands, parle même de « non-sens », qui pourrait inciter les entreprises allemandes à délocaliser les emplois vers des pays à bas coûts salariaux, d'autant que nombre d'employeurs tendent à privilégier de plus en plus un salaire fondé sur la performance plutôt que sur le nombre d'heures travaillées. Quant aux syndicats, ils s'inquiètent d'une érosion de leurs capacités à mener les traditionnelles négociations collectives, du fait de l'isolement des salariés en télétravail. Autant de menaces et de craintes que balaie le ministre du Travail. « La loi protégera le droit à la négociation collective », a-t-il assuré, de même qu'il a déclaré ne pas être favorable à un changement de mode de calcul du salaire, fondé sur le nombre d'heures travaillées. « Il y a déjà des combinaisons bonus et salaires. Entreprises et syndicats auront toujours des intérêts divergents, charge à la loi d'équilibrer les deux », a-t-il fait valoir « Nous ne pouvons pas – et nous ne voulons pas – freiner les changements dans le monde du travail. La question est de transformer les avancées technologiques en avancées sociales pour tous. »