À la veille de la présidentielle américaine, d'anciens modérateurs de Facebook ont dénoncé les traitements qu'ils ont subis, de même que leur salaire de misère, à l'occasion d'un événement rapporté par le quotidien britannique The Guardian. Ces modérateurs, dont le rôle est crucial, en particulier pendant la période électorale, puisqu'ils doivent repérer et éventuellement supprimer des articles contenant des propos racistes, des rumeurs complotistes, voire des appels à la rébellion ou au meurtre, comme certains groupes d'extrême droite, cajolés par Donald Trump, ont pu en faire paraître sur les réseaux sociaux. Car l'intelligence artificielle, sur laquelle s'appuie également Facebook, ne peut pas tout. Les modérateurs sont donc en première ligne pour défendre la démocratie et l'intégrité du scrutin, estime The Guardian. Pourtant, ils ne sont même pas salariés. Facebook passe en effet par des tiers, qui les considèrent comme des indépendants. Et qui les paient, comme dans le cas d'Alison Trebacz, une ancienne modératrice, à peine 15 dollars de l'heure (12,87 euros). C'est peu pour un travail qui consiste à être exposé à des images et des propos violents à longueur de journée, estiment les anciens modérateurs... Déjà, en mai dernier, Facebook a accepté de payer 52 millions de dollars (plus de 44 millions d'euros) pour régler à l'amiable des poursuites pour son manque de protection face au stress mental lié à la modération de contenu. Le turnover, parmi les modérateurs, est d'ailleurs élevé. Ils ne tiennent en général pas plus de six mois. En plus d'être mal payés, ils n'ont pas, du fait qu'ils ne travaillent pas directement pour le réseau social, droit aux avantages du salariat, autrement dit, pas d'allocations chômage possibles, par de congés maladie, pas de possibilité de négocier leur salaire par le biais de représentants des salariés. Une autre modératrice, Viana Ferguson, qui a participé à l'événement et a travaillé pour Facebook plus longtemps que les autres, puisqu'elle a duré d'août 2016 à février 2019, met en doute les engagements pris par Facebook pour défendre la justice raciale. Elle raconte comment elle a dû expliquer à de nombreuses reprises pourquoi certains contenus avaient, à ses yeux (elle est noire), des relents racistes, ce que les managers (blancs) avaient apparemment du mal à saisir. Pis, si Facebook a adopté des mesures supplémentaires pour limiter les propos violents et la désinformation sur son réseau à l'aube de la présidentielle américaine, les modérateurs n'ont pas, selon eux, de directives claires et risquent même d'être sanctionnés s'ils suppriment un contenu qui s'avère ensuite ne pas contrevenir aux règles établies. Les anciens modérateurs, soutenus par différents groupes de défense des droits des travailleurs, demandent donc que Facebook engage directement des modérateurs, pour qu'ils aient les mêmes droits que les autres salariés et soient mieux formés et mieux accompagnés psychologiquement.