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Avis d’expert : « Le stage fait office de période d’essai »

Le point sur | publié le : 23.03.2020 | Audrey Pelé

Depuis huit ans, Amaury Montmoreau, président et fondateur d’AJStage, propose des stages aux étudiants et conseille dans le même temps les sociétés à la recherche de profils de stagiaires. Il constate que ces derniers sont de mieux en mieux considérés par les entreprises qui peinent parfois à les recruter.

Comment sont perçus les stagiaires par les employeurs ?

Ils ont longtemps été vus comme une charge pour l’entreprise. Le stagiaire, c’était celui qui s’occupait du café et des photocopies ou c’était une personne cooptée, le neveu du patron par exemple, et à qui il fallait essayer de trouver quelque chose à faire. Mais peu à peu, ce stagiaire a commencé à prendre de l’importance et être perçu comme quelqu’un d’utile. Cela s’est accéléré avec la crise de 2008. À ce moment-là, les entreprises n’avaient pas de visibilité sur leurs carnets de commandes et, dans le même temps, il y a eu un boom des départs à la retraite et beaucoup de nouveaux métiers autour du digital sont apparus. Dans toutes les annonces, en 2010, on cherchait un stagiaire qui « maîtrise Internet ». En parallèle, les jeunes faisaient de plus en plus d’études qui comprenaient des stages donc il y avait une demande. C’était aussi une époque de plein-emploi des cadres. Les entreprises, petites et grandes, qui n’avaient pas les ressources ont alors recruté beaucoup de stagiaires qu’elles ont considérés peu à peu comme un vivier de futurs collaborateurs. Ces derniers ont pris progressivement de l’importance, se sont vus confier des responsabilités, mais à l’époque ils n’étaient pas encore bien encadrés partout.

Quel a été l’impact de la loi de 2014 ?

Elle a mis le sujet des stagiaires sur la table et a « cadré » les choses. Avant, il y avait un flou artistique et certaines entreprises abusaient réellement des stagiaires, c’est-à-dire qu’ils en prenaient énormément dans leurs effectifs et/ou ils n’étaient pas payés. Certaines sociétés ne mesuraient pas les excès qu’elles commettaient et, avec cette loi, on leur a dit « stop ». La législation a créé une « norme » pour tous et les stages qui n’étaient plus dans les clous (stages sans convention, hors formation, etc.) ont été interdits. La loi a aussi eu le bénéfice de remettre les établissements scolaires au cœur du contrat. Elle a rappelé que le stage est un contrat tripartite entre le stagiaire, l’entreprise et l’école qui a désormais un rôle prépondérant comme médiateur.

Mais la loi a aussi eu un effet pervers, car elle a déréglé le marché. En limitant le taux de stagiaires à 15 % dans une société, elle a eu un fort impact pour celles qui en comptaient 20 % par exemple. Retirer 5 % de stagiaires de leurs effectifs s’est révélé un test : allaient-elles pouvoir continuer à développer leurs activités sans cette main-d’œuvre ? Il faut dire enfin que la législation a mis un frein à la diversité des profils de stagiaires recrutés. Avec un nombre désormais limité, on a moins laissé de chance aux étudiants des quartiers difficiles ou à ceux qui venaient de branches plus éloignées du monde professionnel comme ceux en dessin, en littérature, etc.

Les stagiaires sont-ils valorisés aujourd’hui ?

Les entreprises ont tendance à les considérer de plus en plus comme des collaborateurs à part entière et ils ont plus ou moins de responsabilités selon les sociétés. Un stagiaire peut potentiellement faire le travail d’un salarié, mais il faut rappeler qu’il ne peut pas être sanctionné pour ses erreurs. Même s’il n’atteint pas ses objectifs et que l’entreprise ne fait pas ses chiffres, cela ne peut lui être imputé. De plus, il ne peut pas signer de contrats. Nous constatons aussi que la plupart des sociétés, notamment dans les métiers pénuriques comme dans l’IT, nous demandent des stagiaires dans l’idée de les embaucher ensuite. Pour celles qui sont en croissance, ces jeunes sont un réel levier de recrutement. Et dans cette logique d’embauche après stage, on voit de plus en plus d’entreprises qui prennent uniquement des stagiaires en fin d’études. Et il y a une règle pour le recrutement de ces derniers profils : le stage fait office de période d’essai.

Autre chose enfin, nous avons constaté que certaines personnes font leur carrière dans des start-up ou PME. Il y a des Jeunes qui ne veulent plus aller dans les grosses boîtes en stage, mais préfèrent démarrer dans les petites avec plus de responsabilités surtout quand ils sont jeunes. Être dans une start-up, c’est être un membre de l’équipe à part entière. On peut être le bras droit du patron et même devenir le futur CTO-CIO. Et quand ils ont plus d’expérience et sont en âge d’avoir une famille, certains se tourneront peut-être vers les grands groupes s’ils cherchent de la stabilité.

Auteur

  • Audrey Pelé