Longtemps dominée par l'agriculture et l'industrie lourde héritée de l'ex-Union soviétique, l'économie de la Biélorussie a réussi le tour de force de devenir, en une décennie à peine, une place forte de la tech. Aujourd'hui, ce secteur représente 6,5% de la production de richesse nationale et, l'an dernier, il a contribué à la moitié de la croissance du PIB. Le Belarus Hi-Tech Park, près de Minsk, compte aujourd'hui quelque 700 entreprises, qui emploient environ 60000 personnes, à l'origine de 2 milliards de dollars d'exportations par an. Des professionnels jeunes, bien formés, ouverts sur l'international et qui, même en gagnant plus de quatre fois le salaire moyen biélorusse (un peu plus de 400 euros), sont évidemment très compétitifs au regard des salaires de la tech au niveau mondial.
Reste que tout cela pourrait bien s'arrêter. Car ces professionnels commencent à fuir le pays pour se réfugier dans les pays voisins, friands de leurs compétences. Comme tant d'autres, en effet, ils ont été touchés par la répression – suspension de l'Internet pendant plusieurs jours, raids dans les bureaux, arrestations... – orchestrée par les autorités contre les citoyens qui contestent les résultats de la dernière élection présidentielle. Ils ont d'ailleurs été prompts à réagir. Les dirigeants de plusieurs entreprises de la tech, qui comptent au total 20000 salariés, ont envoyé une lettre ouverte au président, pour le prévenir que si la répression continuait, cela encouragerait des milliers de professionnels du secteur à partir. Cité dans la presse, Kirill Golub, co-fondateur d'un club d'investissement dans la tech, libéré après trois jours de détention, estime que «si Lukachenko se maintient au pouvoir, c'est la fin de la tech chez nous». Mais le président Lukachenko pourrait lui aussi en pâtir, surtout si la fuite des cerveaux se poursuit. N'a-t-il pas gagé sa présidence sur la défense d'une économie moderne et prospère ?