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Management de transition : La transformation des entreprises booste le marché

Le point sur | publié le : 16.03.2020 | Lys Zohin

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Management de transition : La transformation des entreprises booste le marché

Crédit photo Lys Zohin

Croissance extérieure et fusions, transformation digitale et managériale, changement de culture, voire de stratégie économique : pour relever ces défis, les entreprises ont de plus en plus besoin d’une aide ponctuelle extérieure. Qu’elles trouvent auprès des professionnels aguerris et reconvertis.

Un DRH malade ? Un directeur d’unité dépassé par le rapprochement de plusieurs activités ? Une DSI mal à l’aise avec un chantier de transformation ? Les entreprises sont de plus en plus conscientes qu’il faut assurer la continuité de leurs opérations ou, au contraire, les faire évoluer. Et si les ressources ne sont pas disponibles en interne, alors autant appeler en renfort un professionnel… Les cabinets spécialisés dans le management de transition se sont d’ailleurs multipliés ces dernières années en France. Pour une raison simple : ils répondent à une demande de plus en plus pressante.

Cette spécialité, née outre-Atlantique dans les années 1970 et apparue à la fin des années 1980 en France, connaît en effet un succès croissant dans l’Hexagone. Selon la dernière enquête du cabinet Delville, spécialisé dans le management de transition, les entreprises ont, à 96 % (une progression de 11 % depuis 2017), une image positive de cette activité. Et il existerait plus d’une centaine de cabinets spécialisés (dont une moitié de « pure players », tandis que d’autres offrent ce service en complément d’activités telles que le recrutement, par exemple).

Au point que la profession a créé en 2012 son syndicat professionnel, d’abord appelé la Fédération nationale du management de transition (FNMT), rebaptisé France Transition au début de cette année. « Le marché progresse de 15 % par an », indique ainsi Grégoire Cabri-Wiltzer, vice-président de France Transition et président du cabinet de management de transition Nim Europe. « La croissance du marché en France tient d’abord à un effet de rattrapage par rapport à la situation qui prévaut au Royaume-Uni ou en Allemagne », poursuit-il.

Selon les données de France Transition, la conduite de projets arrive en tête des demandes, suivie par le management relais. En effet, s’il y a encore quelques années, le recours au management de transition s’effectuait sur fond de crise de l’entreprise, ce cas de figure ne représente aujourd’hui que 10 % du total des missions, tandis que les grands enjeux de transformation, qu’elle soit digitale, organisationnelle ou même de business modèle, correspondent désormais à plus de 60 % des besoins. Quant au management relais, pour la substitution d’un cadre ou d’un dirigeant absent pendant une période donnée, il représente 30 % des demandes. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, le management de transition n’est plus le seul apanage des grands groupes (lire l’encadré).

Un vivier étoffé

De son côté, l’offre est de plus en plus forte et structurée. D’autant que les cabinets spécialisés bénéficient d’un vivier de plus en plus étoffé. Des professionnels aguerris, mais qui, pour diverses raisons, dont une mise à l’écart professionnelle vers la cinquantaine, peuvent encore faire profiter d’autres employeurs de leur expérience. À cet égard, environ 60 % des managers de transition ont entre 50 et 60 ans, selon les données du cabinet Delville. « En général, deux conditions sont réunies pour qu’une entreprise nous appelle, précise Patrick Abadie, CEO de Delville, cabinet qu’il a créé en 2010 et qui effectue quelque 150 missions par an. Il y a urgence et les enjeux sont élevés. »

Les interventions, qui durent quelques mois seulement, visent à mettre les clients sur de nouveaux rails, ou au contraire, poursuivre sur les mêmes qu’avant, dans la continuité. Que ce soit pour mener à bien le regroupement de plusieurs usines rachetées et y implanter les mêmes process, opérer une mutation d’envergure ou simplement remplacer, le temps de la recherche d’un successeur, un directeur général, un spécialiste de la supply chain, un DRH, un chef de projet, voire pour simplement s’assurer que les collaborateurs seront bien accompagnés même en l’absence de leur manager, pour raisons de santé ou de congé maternité, le recours au management de transition tend à se banaliser.

Légitimité

En outre, « dans une économie porteuse, les entreprises peuvent avoir du mal à recruter rapidement des professionnels de haut niveau », souligne Arnaud Sourisseau, dirigeant et fondateur du cabinet de management de transition One Man Support, créé il y a six ans. « Elles sont de plus en plus conscientes du fait qu’il ne faut pas laisser un vide, quelle que soit la situation », ajoute Céline Petit, chief operating officer chez John Paul (800 collaborateurs), une société spécialisée dans les services de conciergerie en marque blanche, qui a déjà fait appel à trois reprises à des managers de transition.

Reste aux entreprises à préparer le terrain… « Il faut, autant que possible, organiser l’arrivée du manager de transition, souligne Céline Petit, pour faire en sorte qu’il ou elle se sente tout de suite légitime. » Et il faut bien entendu préparer les équipes « pour qu’elles n’aient pas l’impression que la direction ne leur fait pas confiance en matière d’autonomie », poursuit-elle. C’est à l’occasion de son troisième congé maternité que Céline Petit a fait appel aux services du cabinet One Man Support, qui s’appuie sur 1 200 consultants indépendants et managers de transition, dont 35 % de femmes. Pas question en effet de laisser ses équipes, dont certaines débutaient dans la gestion de projet, sans gouvernail. Elle reçoit deux candidats et porte son choix sur Anne-Sophie des Minières : « Ses qualités et son expérience étaient en harmonie avec notre culture d’entreprise et nos besoins », dit-elle. Outre ses compétences, la manager de transition choisie est flexible et accepte un mi-temps.

Arrivée avant le début du congé maternité de Céline Petit, Anne-Sophie des Minières prend connaissance des dossiers, se familiarise avec les équipes, prend soin de poursuivre dans le même style managérial. « Il s’agit de s’inscrire dans la continuité », indique ainsi Céline Petit. Six mois plus tard, la voilà repartie. Enfin, pas tout à fait. Elle a participé à une réunion client après son départ, là aussi pour assurer la continuité.

Ce type de prestations a un coût assez élevé. Selon France Transition, le taux moyen journalier facturé au client est de 1 150 euros, soit environ 25 000 euros par mois. Les enjeux à la clé peuvent largement justifier cette dépense.

Liberté de parole

D’autant que le recours à un manager de transition revêt plusieurs avantages, hormis celui de répondre à un besoin pressant. « Les managers de transition sont dédouanés des aspects politiques qui existent dans toutes les organisations, remarque ainsi Patrick Abadie, de Delville.

C’est d’ailleurs souvent la raison pour laquelle ces professionnels ne veulent plus appartenir à une entreprise. » D’ailleurs, selon la dernière étude du cabinet, trois managers sur quatre refuseraient un CDI afin de rester des spécialistes de la transition… Outre la liberté de parole que lui confère sa mission de courte durée, le manager de transition apporte souvent les bonnes pratiques qu’il a éprouvées ailleurs. De quoi les faire essaimer, pour le plus grand bénéfice de l’entreprise qui l’accueille, d’autant que la vitesse est un critère important dans ce type de mission.

« Si les seniors d’un certain niveau sont souvent considérés comme chers, voire surdimensionnés par les entreprises, le regard change lorsqu’il s’agit simplement de s’adjoindre leurs services pour une période donnée », précise Arnaud Sourisseau, qui a créé One Man Support notamment avec l’objectif de rendre ces missions de transition plus accessibles aux petites structures. De fait, le management de transition tend à se démocratiser. Les ETI et PME, sans oublier les start-up, y font de plus en plus appel, leurs problématiques étant désormais souvent les mêmes que celles des grandes entreprises. Quitte à ce que cela soit dans le cadre d’un temps partagé. Dans tous les cas, il s’agit de ne pas rater le tournant et de trouver des professionnels dont le profil peut être rare, en particulier en région.

Outre ce rôle économique, One Man Support met en avant sa mission sociale, consistant à faire travailler des seniors « qui ne s’y retrouvent plus dans les entreprises, où on leur préfère des profils moins expérimentés, mais plus habiles en matière de digital, par exemple », poursuit Arnaud Sourisseau.

En somme, le management de transition constitue un vrai débouché professionnel pour les managers de plus de 50 ans qui ont l’expérience, le réseau et l’assise financière et psychologique nécessaires pour devenir travailleurs indépendants… « Grâce à une charte de déontologie, nous nous assurons que les managers de transition employés par les cabinets adhérents ne sont ni des tueurs, ni des super héros, mais des professionnels apportant une vraie valeur à l’entreprise. Il y va de la pérennité de l’activité, souligne Grégoire Cabri-Wiltzer, de France Transition. Les DRH commencent à se familiariser avec cette option. Et nous voulons qu’à l’avenir, le management de transition fasse partie intégrante de leur boîte à outils. »

Qui a recours au management de transition ?

Selon l’enquête 2019 menée par le cabinet de management de transition Delville1, près de 50 % des entreprises qui font appel au management de transition sont des grands groupes ou filiales, suivis des PME (28 %) et des ETI (19 %).

Pour quelles missions ?

L’environnement économique étant favorable, les missions de retournement/redressement/restructuration (20 %) diminuent au profit des missions liées aux enjeux de transformation des entreprises et à la conduite du changement (80 %), indique le cabinet Delville.

Pour quelles fonctions ?

Les trois fonctions pour lesquelles les managers de transition sont appelés sont, en premier lieu, la direction générale, suivie de la direction des ressources humaines et de la direction financière.

Dans quels secteurs ?

Une mission sur deux est réalisée dans l’industrie, selon l’enquête 2019 de Delville. Toutefois, le secteur des services progresse et représente 43 % des missions.

Dans quelles régions ?

Plus d’une mission sur deux est réalisée en Île-de-France. Les trois autres régions les plus dynamiques sont l’Auvergne-Rhône-Alpes (11 %), le Grand Ouest (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire), pour 9 %, et le Grand Est (7 %).

Quel est le profil des managers de transition ?

D’abord, ce sont des hommes (85 %), les femmes ne représentant que 15 % des managers de transition en activité aujourd’hui. En outre, 82 % ont plus de 51 ans (dont 60 % ont entre 51 et 60 ans et 22 % plus de 60 ans). Par ailleurs, 71 % sont issus des fonctions de comité de direction. Enfin, plus de 77 % des managers font le choix de missions de management de transition depuis au moins deux ans et 82 % des répondants à l’enquête Delville 2019 ont déjà réalisé plusieurs missions de management de transition. Et, dans un marché extrêmement dynamique, près de 60 % des managers de transition retrouvent une mission dans un délai inférieur à trois mois.

Pour quelle durée ?

La durée moyenne des missions est autour de neuf mois, mais le nombre de missions de plus de 12 mois a plus que doublé en deux ans, selon Delville.

(1) L’étude Delville a été conduite de juillet à septembre 2019 sur la base d’un e-mail contextualisant l’étude auprès de près de 1 300 managers de transition.

Auteur

  • Lys Zohin