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Le fait de la semaine

Organisation du travail : Grèves et Covid-19 aidant, le télétravail s’installe

Le fait de la semaine | publié le : 16.03.2020 | J.-P. C.

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Organisation du travail : Grèves et Covid-19 aidant, le télétravail s’installe

Crédit photo J.-P. C.

Face aux évènements exceptionnels qu’elles subissent depuis plusieurs mois, les entreprises, jusque-là réticentes, semblent prêtes à miser durablement sur le télétravail. De quoi dynamiser le recours à cette forme d’organisation du travail qui s’était stabilisé l’année dernière.

Près de six jours et demi. C’est le nombre moyen de jours par mois de télétravail pour les salariés du secteur privé (qui en ont la possibilité), selon la troisième édition de l’étude réalisée par CSA pour Malakoff Humanis1. Plusieurs indicateurs pourraient laisser penser, de prime abord, que le développement attendu du télétravail avec le coup de pouce des ordonnances Macron, marque un coup d’arrêt : d’abord, le nombre de jours moyens de télétravail est en légère baisse (6,4 contre 6,7 dans l’édition 2019), ensuite la forte progression du nombre de télétravailleurs ainsi que du nombre d’entreprises proposant cette forme de travail à leurs collaborateurs enregistrée entre fin 2017 et fin 2018 marque aussi une pause : il y a aujourd’hui 30 % de télétravailleurs (contre 29 % fin 2018 et 25 % fin 2017) et à peu près autant d’entreprises « télétravailleuses » (32 % fin 2919, contre 31 % fin 2018 et 26 % fin 2017). Par ailleurs, le télétravail n’apparaît pas comme un mode d’organisation « dominant », puisque les salariés interrogés estiment qu’un jour de travail à l’extérieur par semaine est idéal. De fait, près de la moitié d’entre eux (47 %) le pratiquent moins d’un jour par semaine et 17 % un jour seulement. Et seulement 22 % d’entre eux télétravaillent plus d’un jour par semaine.

Mais, à bien regarder les chiffres, le télétravail est en train de passer d’un phénomène de mode à une tendance durable. Trois quarts des salariés et deux tiers des dirigeants interrogés pensent que cette pratique sera appelée à se développer au cours des cinq prochaines années. « Le télétravail est désormais mature, estime Anne-Sophie Godon, directrice de l’innovation de Malakoff Humanis. Entreprises et salariés ont trouvé un point d’équilibre. » Par ailleurs, les auteurs de l’étude observent que le télétravail essaime dans l’ensemble du tissu économique, après s’être focalisé sur des populations « de cadres travaillant dans des grandes entreprises, le plus souvent en Île-de-France et dans le secteur des services ». C’est l’un des enseignements de la seconde vague de sondages réalisée en février par CSA pour mesurer l’impact des grèves de la fin d’année dans les transports sur le développement du télétravail. Ainsi, 28 % des entreprises qui ne proposaient pas auparavant le télétravail à leurs salariés alors que leur forme d’activité le permet l’ont accordé pendant le mouvement social de décembre 2019 et 38 % des salariés qui ne pratiquaient pas (et dont le métier le permet) ont télétravaillé durant les grèves dans les transports. En Île-de-France, la part de télétravailleurs est même montée jusqu’à 50 %, alors qu’elle est plutôt de 40 % en période ordinaire. La crise du coronavirus – mais ses effets ont été mesurés en février – a provoqué le même type de réactions puisque 27 % des entreprises ont incité leurs salariés à télétravailler et 36 % des salariés indiquent que leur entreprise les a incités à le faire.

Développement dans les petites structures

« La deuxième vague d’enquête montre que le télétravail s’est développé dans les ETI de 100 à 250 personnes, là où son apparition nécessite plus de préparation notamment en matière informatique. Il y a également des enjeux de sécurité, de polyvalence qui ne se posent pas dans les grandes entreprises mieux équipées et plus staffées », estime Anne-Sophie Godon. La directrice de l’innovation de Malakoff Humanis reconnaît que l’introduction du télétravail demande plus de temps dans les plus petites structures en termes d’organisation du travail, mais aussi en termes d’évolution de la culture de l’entreprise. Première raison, les salariés qui l’ont expérimenté de façon conjoncturelle vont découvrir, comme les autres, les nombreux avantages du télétravail. Pour 89 % d’entre eux, il permet une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée – même si paradoxalement 57 % déplorent un empiétement de leur vie professionnelle sur leur vie personnelle quand ils sont en télétravail, 51 % évoquant même un risque d’addiction – il accroît l’autonomie (88 %), l’efficacité et la productivité (88 %), il contribue à réduire la fatigue (86 %), et il réduit également les coûts de déplacement (82 %), abaissant d’autant l’empreinte carbone (87 % et même 94 % chez les moins de 25 ans), déclarent les salariés concernés. Du côté des dirigeants d’entreprise interrogés par CSA, le satisfecit est flagrant : 93 % d’entre eux citent en tête des bénéfices du télétravail l’amélioration de l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, 88 % l’amélioration de la QVT, 86 % la plus grande autonomie des salariés, 85 % leur responsabilisation, 75 % une amélioration de leur engagement. Lucides, les dirigeants interrogés ne mésestiment pas, cependant, les risques inhérents à la mise en place du télétravail, à commencer par l’évaluation des risques professionnels qui y sont liés (54 %), les difficultés d’ordre managérial et organisationnel (47 et 43 %), la sécurisation des outils et des données (44 %), les coûts liés à l’informatique et à la formation (40 %) voire les risques pour la santé psychologique des salariés (36 %). Mais, dans la balance, les avantages l’emportent sur les inconvénients.

Un changement de méthode pour les managers

Il y a aussi une troisième catégorie socioprofessionnelle qui mesure les bienfaits du télétravail : il s’agit des managers, souvent rebutés, au départ, par le développement de cette nouvelle forme d’organisation du travail chez leurs collaborateurs. « Plus de la moitié des managers sont favorables au télétravail car ce sont aussi des télétravailleurs et ils en mesurent les bénéfices chez les salariés », souligne Anne-Sophie Godon, de Malakoff Humanis. Premier bénéfice cité, la réduction de l’absentéisme, devant la satisfaction des salariés, leur autonomisation…

Néanmoins, les managers revendiquent davantage d’accompagnement. 45 % d’entre eux auraient souhaité être accompagnés dans la mise en place du télétravail et 85 % pensent qu’elle implique de repenser la gestion de leur équipe. Les dirigeants interrogés en sont bien conscients : près des deux tiers reconnaissent que le télétravail implique un véritable changement de méthode pour les managers et près de la moitié pensent qu’il rend le rôle des managers plus difficile. D’un point de vue pratique, l’immense majorité des salariés en télétravail (89 %) échangent au moins une fois par jour avec leurs collègues (36 % par e-mail, 27 % par téléphone, 26 % par messagerie instantanée). Et seulement 11 % des salariés n’ont aucun contact avec leur équipe dans la journée. Ce qui n’empêche qu’une majorité des télétravailleurs (57 %) estiment que les échanges sont rendus plus complexes, notamment en raison de difficultés techniques. Et cependant, les entreprises ont veillé, en majorité, à ce que le télétravail soit mis en place dans les règles : 69 % des dirigeants déclarent avoir veillé en amont au déploiement des outils collaboratifs et 71 % avoir sensibilisé les collaborateurs à l’utilisation et aux bonnes pratiques liées à ces outils.

Des vertus sociétales

La prochaine édition de l’enquête CSA-Malakoff Humanis dira si le recours accru au télétravail durant les grèves dans les transports en fin d’année dernière et son utilisation massive qui a été imposée dans les entreprises pour éviter la propagation du coronavirus va avoir un impact durable. Mais il est vraisemblable que ce télétravail quasi-forcé agisse comme un véritable booster. Car le télétravail, outre ses effets immédiats, permet également de maintenir dans l’emploi des personnes fragiles, de faciliter la vie quotidienne des salariés aidants, de réduire l’empreinte carbone des entreprises… Des vertus qualifiées de « sociétales » par l’enquête qui correspondent à des tendances de fond.

L’impact avéré des grèves dans les transports publics…

• 28 % des entreprises, qui ne proposaient pas le télétravail et dont l’activité le permettait, l’ont finalement accordé pendant les mouvements sociaux de décembre 2019.

• 38 % des salariés qui ne le pratiquaient pas ont télétravaillé pendant cette même période (et même 50 % en Île-de-France).

… et du coronavirus :

• 27 % des entreprises ont incité leurs salariés à télétravailler pendant les périodes d’épidémie (notamment aujourd’hui avec le coronavirus).

• 36 % des salariés indiquent que leur entreprise les a incités à télétravailler pendant ces périodes.

Le meilleur dispositif contre les grèves

Pour limiter les effets d’une grève dans les transports publics, rien de tel que le télétravail. C’est ce qui ressort d’une enquête flash qui a été réalisée par l’ANDRH, en prévision du mouvement de grève interprofessionnel du 5 décembre dernier. Parmi les 358 adhérents de l’association qui ont répondu, le télétravail est arrivé largement en tête des dispositifs préventifs mis en place. Dans les entreprises où des salariés n’étaient pas en grève, il a été cité par 87 % des répondants, loin devant l’aménagement des horaires de travail (65 %) et le covoiturage (50 %). Même chose dans les entreprises qui ont compté des grévistes dans leur effectif. Les deux tiers d’entre elles ont mis en place le télétravail et 59 % ont déployé un plan de continuité d’activité, 53 % ayant aménagé les horaires.

Pour les salariés, le télétravail…

• Facilite la conciliation vie professionnelle/vie personnelle : 89 %.

• Permet davantage d’autonomie dans le travail : 88 %.

• Accroît l’efficacité et la productivité : 88 %.

• Contribue à diminuer la fatigue : 86 %.

• Renforce l’engagement : 79 %.

Pour les dirigeants et DRH, le télétravail…

• Amélioration l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle : 93 %.

• Contribue à une meilleure qualité de qualité au travail : 88 %.

• Accroît l’autonomie des salariés : 86 %.

• Contribue à la responsabilisation des salariés : 85 %.

• Contribue à l’engagement des salariés : 75 %.

Enquête CSA pour Malakoff Humanis réalisée auprès de deux échantillons représentatifs de 1 610 salariés (recueil par internet) et 402 dirigeants et DRH (enquêtes par téléphone) d’entreprises du secteur privé, contactés en novembre-décembre 2019 et février 2020.

(1) Réalisée auprès de deux échantillons représentatifs de 1 610 salariés (recueil par internet) et 402 dirigeants et DRH (enquêtes par téléphone) d’entreprises du secteur privé, contactés en novembre-décembre 2019 et février 2020.

Auteur

  • J.-P. C.