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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 16.03.2020 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

La confiance : un outil à double tranchant

En économie,

la confiance est une notion totalement positive. On scrute par exemple la confiance des ménages et des chefs d’entreprise. Il en va de même en gestion : la confiance des salariés envers leurs collègues ou bien envers leurs managers est perçue comme positive. La confiance que les managers font aux membres de leur équipe est aussi perçue comme un facteur clé de succès. Qu’un chef fasse confiance à ses collaborateurs est considéré comme positif. D’ailleurs, des études scientifiques confirment que les salariés qui sentent que leur hiérarchie leur fait confiance gagnent en autonomie et en engagement au travail. Leur niveau de performance est alors supérieur à la moyenne.

Si tout est bon dans le cochon,

tout est-il aussi bon dans la confiance ? Celle-ci produit-elle uniquement des effets positifs ? Ne comporte-t-elle pas également des effets pervers, donc des côtés plus sombres ? Voici les questions que se sont posées six chercheurs avec à leur tête Michael Baer de l’université de l’État d’Arizona aux États-Unis. Ils ont alors mené une enquête sur ce sujet auprès d’une population originale : les conducteurs des célèbres bus rouges à deux étages à Londres. Il s’agit d’un métier pas si facile, car les chauffeurs sont seuls dans leur bus, sans collègues ni patrons à proximité. En outre, ils sont soumis à de grandes exigences : faire en sorte de respecter les horaires de passage à chaque arrêt de bus en dépit des variations de la circulation, être courtois avec les passagers, assurer la sécurité des voyageurs, etc. Les résultats de cette enquête ont été publiés dans la revue Academy of Management Journal1.

La conclusion de ces six chercheurs

est une réponse à la normande : il y a du bon et du moins bon quand un manager fait confiance aux membres de son équipe. Commençons par le positif : quand on nous fait confiance, on le vit comme une preuve de reconnaissance et de fierté ; on sent qu’on existe aux yeux d’autrui.

Toutefois, cette confiance

est aussi une source de pression et de stress, car il faut maintenir cette bonne réputation, rendre la confiance reçue, donc ne pas décevoir. La charge de travail qui pèse sur les épaules des salariés qui sentent que leur hiérarchie a confiance en eux est donc plus forte. D’autant que les managers en demandent souvent plus à ceux en qui ils ont confiance. S’ils ont une tâche importante à déléguer, ils ne la confieront pas à ceux qui passent pour des glandeurs, des incompétents ou des gens imprévisibles par exemple.

La confiance

est donc une arme à double tranchant. Elle n’est pas sans faire penser à la théorie du don/contre-don : quelqu’un me donne sa confiance, je dois alors lui donner encore plus que ce qu’il me donne.

Les auteurs ne recommandent

évidemment pas aux managers de cesser de faire confiance aux membres de leurs équipes, mais d’être attentifs aux conséquences que cela peut avoir. Ils conseillent aussi de faire attention à ne pas surcharger de travail ceux en qui ils ont le plus confiance. Au besoin, ces derniers pourraient être déchargés de certaines tâches basiques qui pourraient être accomplies uniquement par ceux qui inspirent moins confiance. Les gens de confiance seront ainsi récompensés en ayant des tâches plus intéressantes que les autres.

(1) Baer, M. D., Dhensa-Kahlon, R. K., Colquitt, J. A., Rodell, J. B., Outlaw, R., & Long, D. M. (2015). Uneasy lies the head that bears the trust : The effects of feeling trusted on emotional exhaustion. Academy of Management Journal, 58 (6), 1637-1657.

Auteur

  • Denis Monneuse