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Entretien : « L’IA questionne le rôle que jouera demain la DRH »

Le point sur | publié le : 09.03.2020 | X. B.

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Entretien : « L’IA questionne le rôle que jouera demain la DRH »

Crédit photo X. B.

L’intelligence artificielle (IA) peine à émerger auprès de la fonction RH. Jean-Luc Marini, directeur du laboratoire d’intelligence artificielle d’Axys Consultants, et Delphine Bourgeot, associée au cabinet, en charge de la business unit dédiée à l’accompagnement au changement et à la transformation des entreprises, décryptent ces enjeux.

Selon une récente enquête d’Axys Consultants1, seulement 11 % des DRH ont déjà déployé un outil d’intelligence artificielle. Si trois quarts des DRH affirment être bien informés des avantages que l’IA pourrait apporter à leurs missions, 69 % reconnaissent que leur service est en retard dans ce domaine par rapport aux autres départements de l’entreprise.

Quel rôle la DRH doit-elle tenir vis-à-vis de l’intelligence artificielle ?

Son rôle est double. La DRH doit s’approprier les technologies de l’IA pour, en interne, optimiser ses process. Elle a aussi vocation à accompagner les autres directions dans les évolutions liées à l’IA. Celle-ci aura des impacts sur un grand nombre de métiers, favorisera l’émergence de nouvelles méthodes de travail. Sur le premier volet, les DRH ont pris du retard. L’IA est d’abord perçue comme un assistant qui va les décharger des tâches répétitives et à faible valeur ajoutée. Ces requêtes sont récurrentes et viennent polluer le travail des équipes RH. Autant laisser un chatbot le faire. Les DRH sont également convaincus de l’intérêt des outils de sondage en temps réel. La qualité de vie au travail ou l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle sont des préoccupations majeures pour prévenir les risques psychosociaux ou le burn-out. Il y a aussi des enjeux économiques sur des postes tendus. En captant des signaux faibles, ce type d’outil de mesure de l’engagement permet de désamorcer des velléités de départs chez les talents.

Comment expliquer ce retard ?

Les premiers retours d’expérience sont souvent décevants. La DRH part avec de grandes ambitions, mais dès qu’elle rentre dans le volet opérationnel, elle s’aperçoit qu’il y a beaucoup de cas particuliers. Se pose aussi la question de l’intégration de l’outil au système d’information existant. Un chatbot va chercher l’information qui se niche parfois dans plusieurs systèmes puis la consolide et la restitue. Si la demande est simple, le salarié peut trouver lui-même la réponse. Si la demande est complexe, le chatbot va buter sur la difficulté. Il y a également une appréhension des DRH à faire appel à l’IA pour des missions jugées comme sensibles. Elles voient l’intérêt d’une solution qui vient « screener » les CV, mais sans aller à l’étape suivante qui serait la présélection des candidats. L’effet « boîte noire » de IA fait, aussi, peur. Une DRH se tournera plus facilement vers une solution au modèle explicable. Par quels mécanismes un algorithme arrive-t-il à ces conclusions ? Une fois convaincue, la DRH ne doit pas se reposer aveuglément sur l’outil. L’introduction de biais peut avoir des conséquences lourdes dans le recrutement ou la GPEC.

Quels sont les facteurs clés de succès pour ce type de chantier ?

L’accompagnement du changement est important pour ces projets de transformation. On ne peut pas dire que l’on va seulement automatiser un process avec la RPA (Robotic Process Automation, NDLR). Ce type de projet a des impacts sur toute la chaîne et il faut repenser l’organisation du travail dans son ensemble. Les DRH se sont beaucoup « digitalisées » depuis ces dix dernières années en mettant en place un portail de self-service RH ou une solution gestion des talents. Elles ont rattrapé leur retard technologique. Mais la vague de l’IA est d’une tout autre ampleur. Il ne s’agit plus seulement d’outillage. L’IA questionne le rôle même que va jouer demain la DRH. Les DRH n’ont pas encore intégré cette nouvelle donne. En revanche, ils sont conscients des impacts de l’intelligence artificielle sur les métiers. L’IA percutera les métiers traditionnels, redéfinira les rôles des uns et des autres, changera le rapport au travail. La fonction RH aura la lourde tâche d’accompagner les métiers dans cette transformation tout en étant elle-même prise dans le mouvement. L’ampleur des enjeux explique peut-être la frilosité de la DRH à s’équiper en interne. Quoi qu’il en soit, elle n’a pas le choix. Les enjeux de compétitivité autour de l’IA sont tels que leur entreprise s’engagera tôt ou tard dans cette voie.

(1) Étude réalisée en septembre et octobre 2019 auprès de 128 DRH en France, à retrouver en ligne https://tinyurl.com/w8uwjwl

Auteur

  • X. B.