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De Griveaux à Gibault : les égarements de la vie privée

Chroniques | publié le : 09.03.2020 |

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De Griveaux à Gibault : les égarements de la vie privée

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Martin Richer Management & RSE

« On reconnaît la vie privée au bruit qu’elle fait quand elle part », a dit l’essayiste Denis Olivennes à propos de l’affaire Griveaux. Ce fracas, qui met fin à la séparation entre vie publique et privée, concerne aussi le monde de l’entreprise.

Une vidéo tournée dans un appartement lors d’une soirée privée de réveillon est diffusée sur les réseaux sociaux. Elle met en scène trois personnages, dont une femme arborant une « blackface » et un homme déguisé en gorille. Bien que la marque ne soit jamais citée, des internautes dévoilent l’identité des fêtards, lancent un boycott et réclament leur licenciement à l’employeur de deux d’entre eux, la société Le Slip français.

Cette dernière annonce une mise à pied à leur encontre au motif de l’atteinte à l’image de l’entreprise. Ce faisant, Guillaume Gibault, fondateur de la société, commet la même erreur que Benjamin Griveaux : accepter le diktat des réseaux sociaux qui s’abat sur des actes de la vie privée. Le Slip français a créé une belle success story et ses progrès en matière de responsabilité sociale ont été couronnés par Lucie, un label RSE exigeant. Mais c’est justement par le prisme RSE que je voudrais analyser sa décision.

Votre vie privée vous appartient

Sa justification a été donnée par communiqué le 3 janvier : « Nous avons une responsabilité morale face à ces comportements racistes et discriminatoires qui sont aux antipodes de nos valeurs. » Or, pour reprendre la terminologie du Code civil (article 9), « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Les seules limites sont précises et définies par l’article L1121-1 du Code du travail.

Votre employeur a beaucoup de droits sur vous sur votre lieu de travail ou durant vos horaires de travail, celui, par exemple, de fouiller votre armoire de bureau ou consulter votre ordinateur. Mais votre vie privée vous appartient. Dès lors qu’un document ou un matériel (téléphone portable…) est clairement indiqué comme personnel, l’employeur ne peut y accéder. Des propos peu aimables que vous tenez sur votre employeur sur Facebook peuvent être sanctionnés s’ils sont publics (si votre page est accessible à tous), mais pas s’ils sont privés (si elle est restreinte à vos seuls amis). De même, l’initiative des entreprises qui travaillent à la définition de leurs valeurs doit être soutenue, mais à la condition qu’elles se limitent au domaine professionnel.

Est-ce bien responsable ?

Dans le cas du Slip français, un comportement socialement responsable eut été de défendre les salariés dans leur droit de conduire leur vie privée et de résister aux pressions de l’opinion publique. Si la société s’est trouvée aussi vulnérable aux accusations de racisme, c’est sans doute parce qu’elle avait été épinglée par des internautes pour son manque de diversité, après avoir publié une photographie d’équipe montrant uniquement des personnes blanches. À supposer que le comportement retracé par la vidéo soit raciste, cela ne suffit pas à sanctionner professionnellement. La vie privée doit être réinstaurée comme notre pré carré. Sinon, dans la mesure où les enjeux de réputation vont devenir essentiels pour les entreprises, on finira par limiter la liberté pour un salarié d’avoir dans sa vie privée une opinion politique, syndicale, les préférences sexuelles qu’il souhaite, au prétexte que cela pourrait entacher l’image de son entreprise. On finira par imposer partout, y compris chez vous, l’hystérie d’un antiracisme fanatisé, la bien-pensance, la morale confite, le puritanisme et la tyrannie de la transparence. Dans les deux cas, Griveaux et Gibault, les réseaux sociaux ont été accusés alors que la responsabilité de leur cible était d’opposer au vacarme médiatique, la force de la loi et de la raison. Ce ne sont pas les réseaux sociaux qui sont coupables, mais ceux qui cèdent à leur diktat.

Pour aller plus loin :

Pour aller plus loin : « Management par les valeurs : quatre points d’attention pour les managers » http://management-rse.com/2014/09/18/management-par-lesvaleurs-4-points-dattention-pour-les-managers/