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Index de l’égalité salariale : Les PME entrent dans la danse

Le point sur | publié le : 02.03.2020 | Sophie Massieu

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Index de l’égalité salariale : Les PME entrent dans la danse

Crédit photo Sophie Massieu

Elles devaient l’avoir publié le 1er mars. Les entreprises de 50 à 250 salariés ont dû calculer leur index de l’égalité pour mesurer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Mais, au-delà des scores obtenus et des difficultés rencontrées pour les établir, des doutes subsistent sur l’efficacité de cet outil dans l’atteinte de l’objectif : la réduction des inégalités. En cause notamment : de possibles petits arrangements avec les données…

Ramener les rémunérations des personnes qui travaillent à temps partiel à celles qui seraient perçues à temps complet pour permettre les comparaisons. Mettre à part les heures supplémentaires. Se débrouiller souvent sans service de ressources humaines et avec des logiciels de paie qui préparent, de façon inégale, les chiffres qui permettront la mise en perspective des rémunérations. Pour Bénédicte Caron, vice-présidente de la CPME et elle-même dirigeante de trois entreprises concernées par la publication de l’index de l’égalité femmes-hommes au 1er mars pour les sociétés de 50 à 250 salariés, établir ces données, pour de petites structures, représente un travail de longue haleine qu’il n’a pas été simple de réaliser. « Et cela ne m’a rien apporté. J’ai un score de 99 pour l’une, 91 pour la 2e et le 3e sera moins bon, mais les chefs d’entreprise n’ont pas besoin d’un tel index pour être convaincus de la nécessité de rémunérer de façon identique les hommes et les femmes. Nous tenons compte des compétences, c’est tout. »

Pourtant, en France, en équivalent temps plein, selon les derniers chiffres de l’Insee datant de 2015, les hommes perçoivent des salaires supérieurs de 23 % à ceux des femmes, toutes tailles d’entreprises confondues. Si le calcul de l’index n’a rien appris à Bénédicte Caron, cela signifie-t-il qu’il ne serait pas adapté aux PME, voire conforme à ses objectifs de réduction de l’écart salarial ?

Le syndrome de l’école des fans

Certains critères en particulier semblent poser problème, à en croire Bénédicte Caron. En particulier celui qui interroge le nombre de femmes présentes dans les dix rémunérations les plus élevées de l’entreprise. Elle redoute que, pour conserver un bon score, les entreprises se mettent à établir une nouvelle discrimination à l’embauche, positive celle-là, en cas de sous-représentation des femmes dans cette catégorie. Sur les autres critères, l’index a été aménagé pour permettre aux PME d’établir les comparaisons nécessaires, malgré leurs petits effectifs, fait observer Isabelle Nicolas, consultante chez Sextant Expertise, en charge de l’équipe sociale. Mais les chiffres ne veulent rien dire, notent les observateurs, certains parlant même du syndrome de l’École des fans pour les grandes entreprises.

Manque de transparence

« Pour avoir une bonne note, il suffit qu’elles répartissent bien les populations sur le premier critère de l’égalité salariale. Ainsi auront-elles le meilleur score possible », souligne Franck Cheron, associé capital humain chez Deloitte. « Pour obtenir une mauvaise note sur le critère des rémunérations, il faut vraiment le faire exprès, renchérit Isabelle Nicolas. Surtout, alors que l’objectif consiste à atteindre une véritable égalité, on peut avoir 30 points sur 40, donc plus de la moyenne, avec un écart de salaires à 9 %. » Résultat ? Selon Franck Cheron, dans trois ans, toutes les entreprises auront atteint le score plancher légal de 75 sans que pour autant les inégalités aient disparu…

Autrement dit, l’obligation de résultat et plus uniquement de moyens affirmée par la ministre du Travail Muriel Pénicaud serait un trompe-l’œil. De surcroît, certains critères de l’index amènent les entreprises au simple respect de la loi, note Franck Cheron, de Deloitte, en particulier les augmentations à accorder aux femmes au retour de leur congé maternité. Outre que les chiffres semblent peu significatifs, ils manquent aussi de transparence, particulièrement aux yeux des partenaires sociaux : « On ne peut pas assez bien vérifier le détail des calculs, regrette Sophie Binet, de l’Ugict-CGT, en première ligne sur ces questions pour la confédération de Montreuil. Ce qui complique la possibilité de négocier ensuite. » « Nous aurions aimé que la transparence soit obligatoire », confirme Béatrice Lestic, secrétaire nationale CFDT, notamment en charge de la mixité et de l’égalité professionnelle. En somme, la transparence des chiffres donnés dépend de la culture de l’entreprise. Certains dirigeants sont convaincus de cette nécessité, à l’image de Bénédicte Caron, qui estime, elle aussi : « Nous avons besoin de savoir comment ont été établis les calculs, pour améliorer les choses et prendre les décisions demain. »

Un premier pas

Ainsi, aussi imparfait soit-il, nombre d’observateurs reconnaissent à cet index un mérite : celui de mettre le sujet de l’égalité salariale femmes-hommes sur la table et au menu des négociations annuelles obligatoires. « Les PME doivent entrer dans une démarche qui leur dit qu’elles aussi sont concernées par cette question sociétale », se félicite Béatrice Lestic, de la CFDT. Un premier pas, en somme, qui en appelle beaucoup d’autres. « L’index ne règle rien, mais montre les discriminations systémiques », confirme Ingrid Bianchi, fondatrice du cabinet Diversity Source Manager. Pas d’effet à court terme de cet index, donc mais, selon Isabelle Nicolas, il pourrait s’avérer productif à moyen terme, à mesure que les partenaires sociaux s’en saisissent. Au vu de leur faible représentation dans les PME, celles-ci ne seront sans doute pas les premières impactées. « Il faut déconnecter le score du bienfait de la prise de conscience », recommande Franck Cheron. Il préconise, au-delà des chiffres, un changement de culture d’entreprise et de former les managers, le plus souvent encore des hommes, à la possibilité pour tous de vivre des carrières évolutives.

L’index en pratique

Toutes les entreprises de plus de 50 salariés doivent désormais le publier chaque année, le 1er mars, et le transmettre à leur comité social et économique (CSE) et à l’inspection du travail. Elles doivent obtenir un score supérieur ou égal à 75 points sur 100. À défaut, elles doivent prendre des mesures correctives, mais les contrôles et sanctions semblent peu probables. L’écart de rémunérations est celui des indicateurs qui offre le plus de points : 40. Celui de répartition des augmentations compte pour 20 points. Viennent ensuite, pour les PME, le nombre de salariées augmentées après un congé maternité, et la parité dans les dix rémunérations les plus élevées. Elles n’ont pas à remplir la 3e obligation, faite aux plus grosses sociétés, sur la question de l’écart de répartition des promotions. Le ministère du Travail a mis en ligne un simulateur calculateur de l’index pour aider les entreprises.

Auteur

  • Sophie Massieu