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Retraites : « Il faut placer le curseur social plus haut que le projet de loi »

L’actualité | publié le : 24.02.2020 | Benjamin d’Alguerre

Une trentaine de députés de la majorité présidentielle regrettent l’insuffisance des mesures que prévoit le projet de loi sur les retraites pour la prévention de la pénibilité au travail. Leur chef de file s’explique.

Inscrivez-vous votre démarche dans une dissidence par rapport aux orientations gouvernementales ?

Non. Je soutiens la mise en place d’un nouveau système de retraites plus universel et plus juste que ne l’est l’actuel avec sa cohorte de régimes spéciaux. Mais je regrette que la question de la pénibilité du travail n’ait pas davantage été étudiée en amont. J’aurais préféré que le gouvernement consacre six mois à une nouvelle concertation avec les partenaires sociaux plutôt que de l’organiser en parallèle du débat parlementaire car, alors que nous en discutons à l’Assemblée, on constate que le Medef bloque toujours de son côté. Il ne s’agit pas d’une démarche dissidente au sein de la majorité présidentielle, mais différente : on peut être favorable aux grandes lignes de la réforme tout en plaçant le curseur social et solidaire plus haut que le projet de loi. C’est crucial : il s’agit d’une réforme qui engagera le pays pour les 50 ans à venir, au moins.

Comptez-vous, comme le demande la CFDT, réintégrer dans le projet de loi les quatre facteurs de risque (postures pénibles, manutention manuelle de charges, vibrations mécaniques et travail au contact d’agents chimiques dangereux) abandonnés par le gouvernement en 2017 lors du passage du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) au compte professionnel de prévention (C2P) ?

J’ai eu plusieurs échanges avec la CFDT, mais je ne suis pas certaine qu’il soit pertinent de réintégrer les quatre critères de pénibilité dans la loi car ils sont difficiles à évaluer pour les PME-TPE. Dans cette configuration, le bon échelon d’appréciation de la pénibilité est la branche. C’est pourquoi il est important que les partenaires sociaux se saisissent de ce sujet et négocient au niveau des branches pour faire évoluer les critères de pénibilité en fonction des métiers. Dans le BTP, par exemple, une secrétaire n’est pas confrontée à la même pénibilité qu’un maçon : il serait absurde de leur attribuer un référentiel identique. Mais au-delà de cette question, ce qui pose problème dans le projet de loi, c’est que, dans la foulée du passage du C3P au C2P, il déplace le curseur de la pénibilité de la prévention vers la seule réparation : soit en permettant des départs à la retraite anticipés, soit en alimentant le CPF des personnes ayant subi de la pénibilité au travail pour qu’ils engagent une reconversion professionnelle. Mais quelle reconversion envisager après 55 ans lorsqu’on voit le faible taux d’emploi des seniors ? Il existe une problématique de gestion des carrières longues et de prévention de la pénibilité à prendre en compte afin que les seniors ne sombrent pas dans la précarité ou n’arrivent pas brisés à la retraite. La trentaine d’amendements que nous avons déposés vont dans le sens de cette prise en compte.

N’existe-t-il pas de contradiction entre les propositions que vous portez et la mesure phare du projet de loi, le recul de l’âge pivot du départ en retraite ?

En partie, oui. Mais s’il n’y a pas de mesures prises en faveur de la gestion des carrières longues, quel est l’intérêt de repousser l’âge de la retraite… pour des gens qui ne seront déjà plus en activité lorsqu’ils y accéderont ? Pourquoi ne pas réfléchir à la possibilité d’une extension de l’activité partielle ou réduite pour les seniors proches de l’âge de la retraite ? L’Allemagne a développé ce type de solutions. En France, nous n’y sommes pas du tout !

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre