Depuis le 5 février 2020, un large réseau de lycées professionnels, centres de formation, entreprises et organismes consulaires franco-allemands représentant 2 500 personnes est invité à partager sur le hashtag #generationprotandem leurs expériences et souvenirs d’un partenariat de longue haleine. Lancé à l’occasion du quarantième anniversaire du programme ProTandem, ce concours donnera lieu à une remise de prix lors d’un évènement de prestige prévue en novembre prochain à Sarrebruck. Basé depuis 1980 dans la capitale de la Sarre frontalière de la France, l’ex-secrétariat franco-allemand, porteur de ce programme d’échanges entre organismes de formation professionnelle, s’est mué en 2018 en une agence dédiée au programme phare dont elle porte le nom. En l’espace de quarante ans, ProTandem a fait traverser la frontière à 110 000 élèves, stagiaires, tuteurs ou professeurs et s’est ouvert à une cinquantaine de secteurs d’activité. L’évolution des métiers et de la manière de les enseigner lui ouvre une mine de nouveaux débouchés. « Pour limiter les prérequis linguistiques, ProTandem s’est historiquement spécialisé dans les métiers du geste, en choisissant les secteurs les plus attractifs des deux pays – la gastronomie et l’hôtellerie-restauration côté français, la mécanique et l’automobile en Allemagne.

Nous avons largement diversifié ce portefeuille de départ, mais les anciens échanges conservent tout leur potentiel », assure Karine Brard-Guillet, coordinatrice française de ProTandem.

Fondés sur la réciprocité, les échanges concernent des groupes de huit à douze personnes – apprentis de CFA ou élèves de lycées professionnels, enseignants, formateurs ou tuteurs en entreprise. Après une semaine d’initiation à la langue, à la culture et aux pratiques professionnelles au sein de l’organisme d’accueil allemand, les stagiaires passent deux semaines dans une entreprise pour y apprendre un nouveau geste ou une nouvelle technique. ProTandem finance l’intégralité des déplacements, de l’hébergement et des frais pédagogiques – y compris le séjour des accompagnateurs et du traducteur qui facilitera les échanges sur place. Doté d’un budget annuel de 2,4 millions d’euros, le programme est financé à parts égales par les ministères de l’Éducation nationale, du Travail et des Affaires étrangères côté français et du ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche pour la partie allemande. Chaque échange répond à des besoins exprimés en amont par les entreprises ou par les territoires. L’un des derniers en date, fin 2019, a permis à un groupe d’étudiants en bac pro et en BTS du Pôle formation UIMM région havraise de faire la connaissance de leurs homologues du collège technique Cuno de Hagen, dans la Ruhr. « Les représentants des entreprises de la zone portuaire du Havre ont participé à la visite préparatoire en Allemagne au printemps dernier pour définir sur mesure un programme de formation en chaudronnerie et en maintenance », indique Karine Brard-Guillet, qui a accompagné cette rencontre. Multisecteurs, multiniveaux et monté en moins d’un an, l’exemple havrais illustre la souplesse du dispositif. D’autres échanges impliquent des territoires plus ruraux et des métiers plus artisanaux. Le lycée professionnel Olivier-Guichard à Guérande (44) et le centre d’apprentissage de Forst (Bade-Wurtemberg) se sont ainsi rapprochés à l’initiative des professionnels allemands de la fleuristerie.

« Les régions françaises sont plus ou moins investies dans les coopérations décentralisées, mais les CFA sont de plus en plus conscients de la plus-value que représente l’ouverture à l’international dans un contexte de forte concurrence », observe Karine Brard-Guillet. Le jumelage entre le lycée Jean-Monnet à Yzeure (Allier), spécialisé dans les arts verriers, et la Staatliche Glasfachschule Hadamar, dans le Land de Hesse, a permis aux jeunes verriers d’ouvrir leurs débouchés professionnels à l’international. Les régions frontalières du Grand Est ne sont pas les plus grandes utilisatrices de ProTandem, sans doute parce qu’elles ont accès à d’autres dispositifs d’apprentissage transfrontalier. En revanche, l’ouverture vers l’Allemagne est très prisée dans les départements et territoires d’outre-mer. En France, l’obstacle de la langue apparaît comme insurmontable, alors même que les quarante années de pratique démontrent la possibilité de découvrir les techniques professionnelles outre-Rhin sans parler un seul mot de la langue de Goethe.