Si Axionable, une société de conseil en solutions data et en intelligence artificielle (IA), a décidé, au bout de trois ans seulement d’existence, d’évoluer, ce n’est pas parce que ses activités n’ont pas rencontré de succès. Au contraire. La demande est si forte qu’en quelques mois, les effectifs sont passés d’une poignée de spécialistes à 50 aujourd’hui. C’est davantage, précise Charlène Deloison, associée chez Axionable et en charge des RH, parce que « notre questionnement nous a amenés à vouloir nous positionner sur l’intelligence artificielle à finalité durable ».

Car l’IA peut servir à tout, y compris, par exemple, à tenter de stimuler la demande de produits nocifs pour les individus, la société ou l’environnement, via une meilleure connaissance des publics ciblés.

Tout a commencé par une réunion, en juillet 2019, entre les cinq associés de l’époque. « Nous avons débattu et décidé de refuser de travailler avec des clients agissant dans des secteurs comme le tabac, l’alcool, l’armement, précise Charlène Deloison. Quant aux énergéticiens, nous considérons que notre rôle est désormais de leur donner des conseils en matière de transformation et de respect de l’environnement. » En accord avec son éthique des affaires, Axionable a travaillé avec un acteur de la protection sociale, afin d’identifier les points de vigilance en cas de vulnérabilité, que ce soit en termes de santé, de logement, de finance…, grâce à l’analyse de documents remplis par les bénéficiaires et de retranscriptions du contenu d’appels téléphoniques au service clients. Le but évidemment est d’aller au-devant du besoin et de fournir la réponse la plus adéquate possible.

Les projets en cours d’exécution ne répondant pas aux nouveaux critères seront menés à leur terme, mais Axionable s’engage à ce que son portefeuille comporte au moins 30 % de projets « durables » cette année. Son objectif est de 100 % à horizon 2022. Les demandes, notamment de marketing de produits, seront passées au crible. Les clients sont prévenus : nouvelle charte graphique, discours ajusté sur le site et argumentaire bien ficelé dans les réunions commerciales. Quant aux collaborateurs d’Axionable, ils ont bénéficié d’informations et d’accompagnement pour s’assurer de leur adhésion. « Dès septembre dernier, nous avons présenté notre ambition aux collaborateurs et notre nouveau projet d’entreprise », relate Charlène Deloison. Une équipe « cœur » a été constituée, comprenant aussi bien des associés (qui dédiaient 20 % de leur temps à la nouvelle identité de l’entreprise) que des collaborateurs. Différentes équipes se sont attaquées à la transition, les unes se chargeant d’élaborer une méthodologie pour analyser la demande client, les autres se penchant sur la faisabilité de l’opération, d’autres encore sur la concurrence, à raison d’une réunion par semaine. Dans l’ensemble, les collaborateurs, dont la moyenne d’âge est de 29 ans, ont bien réagi. Le projet répondait à leurs attentes et leur quête de sens dans leur travail. Les plus sceptiques ont été accompagnés, et aujourd’hui, l’ensemble de l’effectif est aligné. Les commerciaux ont également bénéficié de déjeuners visant à mieux les préparer pour leur pitch auprès des clients. Et enfin, Axionable mène régulièrement une enquête sur l’engagement des troupes en faveur de la transition.

L’ont-elles bien compris ? Se sentent-elles convenablement informées ? Considèrent-elles que la nouvelle façon d’agir est appropriée ? Ont-elles confiance, se sentent-elles fières ? Autant de questions qui permettent à la DRH de jauger de la mise en œuvre effective de cette mutation, officiellement annoncée à l’occasion du sommet sur l’impact positif, changeNOW, qui s’est tenu à Paris les 31 janvier et 1^er février derniers. La transition en cours chez Axionable prend également forme dans la vie de tous les jours. « Si nous n’avions jamais eu de gobelets en plastique dans la kitchenette, nous avions l’habitude, en particulier du fait de notre implantation à Paris et à Montréal, d’effectuer de nombreux voyages en avion, notamment pour nos réunions annuelles, qui se tenaient toujours à l’étranger », avoue Charlène Deloison. Cette source d’impact négatif sur l’environnement va être réduite : ces réunions seront désormais organisées dans des lieux proches des bureaux ou accessibles en train… Une façon pour la société d’aligner toutes les actions à impact positif, chez elle comme chez ses clients. Avec un prochain défi pour la DRH : celui d’embaucher davantage de femmes. La DRH y travaille d’arrache-pied. Pour l’heure, elle est la seule associée…