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Formation : Les nouveaux opérateurs du CEP plongent dans le grand bain

Le point sur | publié le : 17.02.2020 | Benjamin d’Alguerre

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Formation : Les nouveaux opérateurs du CEP plongent dans le grand bain

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

L’activité de conseil en évolution professionnelle (CEP) pour les actifs salariés a connu un démarrage sur les chapeaux de roues pour les opérateurs privés qui l’assurent depuis le 1er janvier 2020. Leur reste désormais à trouver la bonne vitesse de croisière et à développer le marché des entreprises

Cinq mille demandes d’information sur le CEP ! C’est ce qu’ont enregistré les centres interinstitutionnels de bilans de compétences (CIBC) sur les seules journées des 2 et 3 janvier ! Les bulles de champagne du Nouvel An étaient à peine digérées que les demandes des actifs et salariés intéressés par un projet de reconversion professionnelle affluaient par e-mail, téléphone ou en direct dans les quelque 400 points d’information déployés par le réseau depuis le 1er janvier 2020. « Pour nous, c’est un lancement réussi ! Le volume des appels nous a surpris et un peu effrayés au départ, mais l’effet de saturation a été évité », confie aujourd’hui Schany Taix, délégué général de la Fédération nationale des CIBC. Une fois le rush de départ achevé, le trafic s’est stabilisé au sein du réseau à raison de 1 000 sollicitations quotidiennes. Un débit plus qu’honorable pour les centres de bilans de compétences et qui n’était espéré… qu’au bout de trois ans d’activité sur le conseil en évolution professionnelle !

Consortiums

Si les signaux sont au vert, c’est que la transition entre les anciens Fongecif et les nouveaux opérateurs du CEP s’est bien déroulée et que la transmission d’informations entre ces deux canaux a fonctionné. Au 1er janvier dernier, en effet, les Fongecif qui constituaient l’un des cinq réseaux autorisés par la précédente réforme de la formation de 2014 à délivrer le conseil en évolution professionnelle (aux côtés de l’Apec, Pôle Emploi, les missions locales et Cap Emploi) ont perdu cette mission aux profits de groupements d’opérateurs privés sélectionnés entre avril et novembre 2019 par France compétences à la suite d’un appel d’offres engageant les prestataires pour une durée de quatre ans.

Les CIBC, associées à divers partenaires RH dans le cadre de grands consortiums l’ont remporté dans huit régions (Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, Mayotte et Guadeloupe). Dans les Hauts-de-France, l’Île-de-France et le Centre-Val de Loire, ce sont des groupements dirigés par Tingari, un cabinet spécialisé dans l’insertion professionnelle, qui ont décroché le marché alors que sur la grande façade nord-ouest (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire), la prestation est assurée par un consortium monté par le cabinet RH Catalys Conseil parfois en association avec Tingari. Côté insulaire, le cabinet d’outplacement Anthéa RH est tête de réseau en Corse et Aksis en Martinique. En Guyane et à La Réunion, l’appel d’offres a été remis en jeu, faute de candidats satisfaisant l’ensemble des critères établis par France compétences.

Au total, quelque 420 sites accueillent, depuis le début de l’année, les actifs salariés à la recherche d’un conseil pour leur évolution professionnelle. Le cahier des charges émis par France compétences exigeant un maillage très fin des territoires, les têtes de réseaux ont noué des partenariats avec une multitude d’acteurs de terrain. Parmi les co ou sous-traitants dont les logos reviennent le plus souvent dans les groupements, on retrouve les CCI, les ex-Opca-Opacif Unifaf et Uniformation (devenus aujourd’hui les opco Santé et Cohésion sociale), l’Institut Iperia (spécialisé dans la VAE et la professionnalisation), le cabinet de recrutement Envergure ou les chambres de métiers de l’agriculture pour les territoires de grande ruralité. En Île-de-France, Tingari s’est associé à l’association CEP Paritarisme IDF composée d’organisations patronales et syndicales (CGT, CFDT, CFTC, CPME et U2P) afin de « toucher le plus grand nombre de salariés directement dans les entreprises par l’intermédiaire des partenaires sociaux », explique Fabrice Veyre, directeur général adjoint du cabinet. Grand absent sur ce nouveau marché : l’intérim, pourtant pressenti pour occuper le terrain. Seul Adecco s’y était un temps intéressé, avant de finalement reculer.

« Attendus au tournant sur l’auto-prescription »

Les nouveaux opérateurs se sont donc mis en ordre de marche sans attendre. Mais pas question de concurrence et/ou de distorsion de prestations entre eux. Le cahier des charges édité par France compétences est strict : tous doivent assurer le même service, sous le même logo et sur tous les territoires. Pas de CEP « à la carte » selon les prestataires et les régions, mais une offre cohérente, bien cadrée selon les trois niveaux de prestation établis par France compétences, allant du premier accueil-information de l’usager à l’élaboration complète de son projet de reconversion professionnelle n’attendant plus que son financement. Et ce, bien sûr, de façon confidentielle – l’usager pouvant recourir à ce service sans en informer son employeur – et gratuite puisque France compétences prend en charge les coûts liés à la prestation grâce à une enveloppe fixée à 90 millions d’euros en 2020.

De quoi inciter l’instance payeuse à se montrer vigilante sur la qualité des prestations réalisées ainsi sur le contenu des recommandations délivrées aux usagers en fin de parcours, qu’il s’agisse d’un bilan de compétences, d’une action de formation, d’une VAE ou d’un projet de transition professionnelle financée par les associations éponymes (lire encadré) via le CPF de transition. « On se sait attendus au tournant sur la question de l’auto-prescription ! », sourit Fabrice Veyre.

De fait : France compétences a mis en place des garde-fous pour éviter que les dispensateurs du conseil en évolution professionnelle ne soient tentés de recommander trop systématiquement à l’usager une prestation complémentaire… assurée par leur propre structure.

Cela demeure cependant possible. « Un CIBC peut effectivement recommander un bilan de compétences s’il s’agit de la prestation qui correspond le mieux aux besoins de l’usager, mais auparavant, notre conseiller CEP – qui ne peut pas être le même qui assurera ensuite la prestation bilan de compétences ! – doit au préalable avoir présenté toutes les options de prestations complémentaires à l’usager et tous les acteurs susceptibles de les dispenser. Dans ce cas, ce dernier doit signer un document attestant que toute l’information nécessaire lui a été transmise et qu’il a réalisé son choix en conscience », résume Schany Taix. « Nous nous sommes dotés d’un système d’alerte afin de contrôler la nature des recommandations émises par les opérateurs. Un prestataire qui viendrait trop souvent à orienter l’usager vers un service qu’il réalise par ailleurs serait amené à devoir s’expliquer auprès de nos contrôleurs », prévient Véronique Dessen-Torres, directrice Territoires et partenariats au sein de France compétences. Avec, possiblement en bout de procédure, l’application d’un panel de sanctions pouvant aller du rappel à l’ordre jusqu’au retrait pur et simple du marché.

Les entreprises en ligne de mire

Deux publics constituent l’essentiel des usagers du CEP délivré par ces nouveaux opérateurs : les actifs salariés porteurs d’un projet de reconversion ou souhaitant établir un état des lieux de leur situation professionnelle, mais aussi, depuis la réforme de l’assurance chômage, les candidats à la démission indemnisée. Une troisième population suscite l’intérêt des opérateurs : les entreprises. « Le CEP est un outil formidable pour accompagner l’évolution des compétences », lance Schany Taix. Depuis 2014, il fait d’ailleurs partie de l’arsenal des outils que les DRH sont tenus de présenter aux salariés à l’occasion des entretiens professionnels annuels. L’objectif que se fixent les opérateurs du CEP est clair : sensibiliser les employeurs à l’usage de ce dispositif afin d’impliquer leurs salariés dans la coconstruction de parcours de formation. Un but qui nécessite des partenariats affinés avec les partenaires sociaux afin de les inciter à en faire la promotion.

Des Fongecif à Transition Pro : un passage de relais douloureux

Les salariés des anciens Fongecif font grise mine. Pour eux, la perte de la mission de délivrance CEP et la relégation des associations Transition Pro à un simple rôle de financeurs des reconversions professionnelles au titre du CPF de transition sous l’autorité des CPIR (commissions paritaires interprofessionnelles régionales) s’est traduite par une casse sociale non négligeable. Dans l’ancien Fongecif Île-de-France, ce sont près de 60 emplois qui s’apprêtent à disparaître dans le cadre d’un PSE monté par l’ancienne direction. Ils sont 45 dans le Grand Est. Les Fongecif qui s’étaient réorganisés en 2014-2015 autour du CEP comme ceux d’Île-de-France ou d’AURA sont les plus impactés. Certains conseillers seront sans doute amenés à trouver une seconde partie de carrière chez les nouveaux opérateurs du CEP (Tingari prévoit notamment une centaine de recrutements pour renforcer ses équipes), mais pour l’instant, rien ne vient. L’association paritaire Certif’Pro, qui anime le réseau des associations Transition Pro s’est engagée à déployer un accompagnement renforcé pour tous les salariés touchés par les pertes d’emploi dans les ex-Fongecif.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre