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« Il faut des décisions politiques fortes et fermes »

L’actualité | publié le : 17.02.2020 | Gilmar Sequeira Martins

Remis au gouvernement début février, le rapport de Chiara Corazza, directrice du Women’s Forum, déplore une fois de plus le manque de femmes dans les secteurs clefs de l’économie. Comment sortir de cette situation ?

Pourquoi si peu de femmes dans les filières scientifiques ?

Attention aux formules génériques. Certaines filières scientifiques comme médecine, biologie, chimie comptent une majorité d’étudiantes. La faiblesse de la présence des garçons ne tient pas à ce que ces filières comportent une majorité de filles. C’est que les garçons choisissent des filières plus valorisées socialement et plus rémunératrices. Le changement dans les ratios entre sexes tient au choix des filles mais aussi à celui des garçons. C’est un phénomène subtil. Les filles en revanche sont très absentes des filières de production, aussi bien au lycée professionnel que dans les cursus suivants. Les écoles d’ingénieur.es ne comptent que 27 % d’étudiantes, une moyenne qui cache de grandes disparités. Je dirais que nous faisons tout pour ça. La socialisation et l’éducation n’exposent pas les filles et les garçons aux mêmes centres d’intérêt, expériences et apprentissages. Il suffit de regarder les magazines à destination des plus jeunes. Ils mettent en valeur des centres d’intérêt très différents pour attirer filles ou garçons.

Les choses changent-elles ?

Oui et non. Il y a des associations qui s’engagent et aussi des entreprises qui s’impliquent du fait des difficultés de recrutement. L’impact des actions menées dans les collèges et les lycées est très peu documenté. Il existe une étude menée par Thomas Breda sur l’impact des modèles d’identification sur les lycéennes à travers les actions conduites par L’Oréal en Terminale. Elle conclut à une augmentation de 10 % du nombre de lycéennes qui s’orientent vers les filières scientifiques. Cet effet ne concerne cependant que les filles qui sont en Terminale scientifique et qui hésitent sur leur orientation. Pour être efficace, ce type d’action doit par ailleurs être mené par des personnes qui sont des modèles d’identification possibles, c’est-à-dire que les filles se sentent proches de la personne.

Comment les choses peuvent-elles bouger ?

Les choses ne bougeront profondément et durablement que lorsque sera rendue obligatoire dans l’Éducation nationale une formation pour tous les personnels intervenant de la maternelle au lycée. Il existe aujourd’hui un module de sensibilisation, mais il n’est pas obligatoire et les textes ne lui fixent aucune durée. Lorsque j’étais présidente de la commission « Lutte contre les stéréotypes sexistes et la répartition des rôles sociaux » du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, nous avons rédigé fin 2016 un rapport sur la formation à l’égalité femmes-hommes dans l’Éducation nationale. Elle ne bénéficie qu’à une minorité des 900 000 personnels enseignants et non enseignants qui travaillent dans les écoles, collèges et lycées. Pour les personnels en poste, 1 % seulement des journées de formation continue concernait l’égalité femmes-hommes en 2015-2016.

Que faut-il faire ?

Il faudrait rendre obligatoire cette formation dans les INSPE (Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation) mais aussi dans le cadre de la formation continue, avec une durée minimale de 30 à 35 heures. Elle aurait pour objectif de transmettre des connaissances actualisées sur un état des lieux, éclairer les participants sur les modalités par lesquelles garçons et filles se construisent, comment l’école contribue à la perpétuation des stéréotypes, permettre aux stagiaires d’engager un travail sur leurs propres attitudes afin qu’ils prennent aussi conscience des stéréotypes qu’ils véhiculent. Il faut des décisions politiques fortes et fermes pour faire évoluer la situation.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins