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Contrats aidés : Les parcours emploi compétences au banc d’essai

Le point sur | publié le : 10.02.2020 | Audrey Pelé

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Contrats aidés : Les parcours emploi compétences au banc d’essai

Crédit photo Audrey Pelé

Les parcours emploi compétences (PEC) ont été taillés sur mesure pour permettre à leurs bénéficiaires de stabiliser leur vie professionnelle. Mais ces contrats aidés nouvelle génération ne font pas toujours l’unanimité auprès des recruteurs.

Depuis janvier 2018, les contrats aidés ont été transformés en parcours emploi compétences (PEC) sous l’impulsion de l’exécutif. « La refonte du modèle a conduit à sortir de la logique quantitative et de recentrer les contrats aidés autour de l’objectif premier d’insertion professionnelle en faveur des personnes éloignées du marché du travail », explique Bruno Lucas, le délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle. Des outils moins nombreux, mais plus qualitatifs ? C’est ce qu’expérimente le gouvernement d’Édouard Philippe avec ces nouveaux contrats. On y trouve toujours des postes d’agent d’entretien de restauration, de secrétaire de mairie, d’aide-Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles), de médiateur dans les lieux publics, etc. Mais les modalités de mise en œuvre ont changé. Les nouveaux PEC ont désormais une durée de 9 à 12 mois et concernent uniquement le secteur non marchand (sauf pour les DOM). C’est un contrat d’une durée hebdomadaire de 20 heures minimum (temps plein/partiel) avec une rémunération qui ne peut être inférieure au smic horaire. Le montant de l’aide accordée aux employeurs varie de 30 % à 60 % du smic brut contre 75 % en moyenne pour les contrats aidés. « L’État avait budgété 200 000 PEC pour 2018, mais les objectifs n’ont pas été atteints (103 500 PEC effectifs en 2018 (1)). Il n’a pas réussi à les déployer aussi vite qu’il le souhaitait, car le cadre juridique est beaucoup plus contraignant qu’avant pour les employeurs. La diminution de la prise en charge de ces contrats a aussi fait que beaucoup d’entre eux n’ont pas suivi et il leur faut de toute façon du temps pour s’approprier le dispositif », souligne Bruno Ducoudré, économiste au département Analyse et prévision de l’OFCE. Le PEC a maintenant un objectif clarifié : améliorer le taux de retour à l’emploi en s’appuyant sur des employeurs choisis par le prescripteur (agence Pôle emploi, mission locale ou Cap emploi). Même s’il est un peu tôt pour se prononcer (les taux de retour à l’emploi à la sortie d’un PEC ne sont pas encore connus), l’État pense avoir trouvé cette fois-ci la bonne recette pour y parvenir : c’est grâce au triptyque « emploi-formation-accompagnement » que les PEC permettront de retrouver un travail à la sortie. En clair, les employeurs sont dans l’obligation de former leurs salariés et de leur fournir un accompagnement social.

« Des exigences qui font peur »

Sur la formation, l’intention est clairement que les bénéficiaires acquièrent de nouvelles compétences pendant leur contrat, voire que le poste de travail occupé débouche sur un diplôme. « La prestation Mes compétences pour l’emploi (2) est proposée aux personnes les moins qualifiées au moment de la signature du PEC. Elle permet de considérer le poste de travail occupé comme lui-même générateur de compétences potentiellement certifiables dans une démarche de VAE », précise Bruno Lucas. Un atout ? « D’une part, il faudra vérifier que la mise en œuvre des formations a été effective, mais l’on sait que ce n’est pas le remède miracle, rétorque Bruno Ducoudré. Quand on regarde les travaux académiques sur les dispositifs de formation, les effets favorables de retour durable à l’emploi sont faibles, de l’ordre de 7 % à 10 %. De plus, on nous dit que la formation c’est la panacée, mais certains n’en ont pas besoin. Sans parler du fait que d’autres cumulent les difficultés (logement, santé…) ou vivent dans un bassin où il y a peu d’emplois. La formation ne traite pas toutes ces données et ne résout pas le problème. »

Qu’en pensent les organismes concernés, en premier lieu les associations, premières employeuses des PEC (avant les établissements publics d’enseignement et les communes/EPCI) ? Pour Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement associatif, qui représente 600 000 associations françaises, « la mise en œuvre des exigences de formation et d’accompagnement social nécessite des compétences et une implication de l’encadrement qui peut faire peur dans le cas d’un encadrement uniquement bénévole. Par ailleurs, cela a un coût, la prise en charge pour les PEC étant bien moindre que ce qu’elle était pour les CUI-CAE (contrats uniques d’insertion-contrats d’accompagnement dans l’emploi), et ce coût n’est pas toujours absorbable pour des toutes petites structures employeuses ».

Même si Le Mouvement associatif n’est pas « opposé » aux nouveaux parcours emploi compétences, il plaide pour une véritable politique de soutien au développement associatif par l’emploi. « Certaines petites associations ont dû fermer faute de pouvoir embaucher un PEC alors que, pour elles, un recrutement sur un emploi aidé pouvait servir de tremplin au développement de leurs activités. Elles permettaient de créer du travail au niveau local pour les personnes éloignées de l’emploi et dans le même temps de rendre service aux citoyens. N’oublions pas qu’elles sont très présentes au niveau rural. »

Même constat pour Éric Beasse, secrétaire général de Coorace, la fédération nationale de l’économie sociale et solidaire qui rassemble 550 entreprises d’utilité sociale et territoriale. Selon lui, le fameux triptyque « emploi-formation-accompagnement » va dans le bon sens, mais il déplore la baisse des aides de l’État pour embaucher en PEC et l’augmentation des contraintes pour l’accompagnement du salarié (un entretien tripartite, un suivi dématérialisé et un entretien de sortie). « On ne peut pas demander aux petites associations de faire plus avec moins. Il y a trop peu de PEC, car mal financés. Cette baisse de l’aide de l’État ne leur permet pas de répondre convenablement à leurs obligations en matière de formation et d’accompagnement. »

Des PEC pour les exclus ?

Les PEC sont destinés aux publics les plus éloignés de l’emploi, mais qu’en est-il réellement ? Selon Bruno Lucas, « les parcours emploi compétences bénéficient aux demandeurs d’emploi de très longue durée, aux seniors, aux bénéficiaires du RSA et aux publics résidant en quartier “politique de la ville” ». D’après les chiffres de la Dares, les personnes inscrites à Pôle emploi (depuis 24 mois et plus avant l’embauche) sont effectivement les plus représentées dans les parcours, suivies de celles situées en zones prioritaires, mais aussi les bénéficiaires d’un minimum social et les personnes handicapées sans oublier les seniors, d’ailleurs davantage que les jeunes. Mais Frédérique Pfrunder reste attentive au « ciblage » des PEC. « Puisqu’il y a moins de contrats disponibles, qui va y avoir accès ? Le risque, c’est que l’on va choisir les personnes considérées comme les plus insérables et cela peut conduire à l’exclusion pour d’autres. »

Pour le savoir, il faudra attendre de faire le bilan avec les chiffres d’insertion dans l’emploi après un PEC pour l’année 2019/2020. « Il faudra être attentif aux profils des personnes embauchées d’une année sur l’autre et voir si les plus exclus en font bien partie. Et si les taux de retour à l’emploi de façon durable sont positifs, alors on pourra en conclure que les PEC fonctionnent réellement », conclut Bruno Ducoudré. Le projet de loi de finances 2020 prévoit une enveloppe pour les PEC comparable à 2019. Une année de « consolidation » en somme dans la mise en place de ce dispositif.

(1) Chiffres : étude de la Dares, les contrats aidés en 2018, novembre 2019, n° 054.

(2) La prestation Mes compétences pour l’emploi, lancée en juin 2019, prévue dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC), est accessible aux salariés en PEC. Elle est proposée aux personnes les moins qualifiées au moment de la signature du PEC.

Auteur

  • Audrey Pelé