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Sur le terrain

Égalité femmes-hommes : Un serious game pour guider les évaluations chez Accenture

Sur le terrain | publié le : 03.02.2020 | Judith Chétrit

Alors qu’Accenture vise à atteindre la parité dans ses effectifs d’ici 2025, le groupe de conseil mise sur la réalité virtuelle pour faire prendre conscience aux encadrants des stéréotypes sexistes qui peuvent peser sur les promotions.

« Vis ma vie de manager qui hésite à accorder une promotion à une femme », tel pourrait être le sous-titre du dispositif Gender Swap promu en interne depuis trois ans auprès des 6 800 collaborateurs d’Accenture. Équipé d’un casque de réalité virtuelle, le salarié se retrouve projeté dans le patio du rez-de-chaussée du siège où deux personnes s’installent pour discuter. Le genre de l’encadrant, nommé Alex, n’est pas précisé. En face se trouve un collègue-avatar alias Grégoire qui va jouer l’avocat du diable pendant quelques minutes dans cet environnement de travail connu du salarié. Le sujet de conversation porte sur l’évolution d’une collaboratrice, Emma : « Tu sais, je ne pense pas qu’elle ait les épaules pour gérer ce genre d’équipe ». Lorsque son collègue demande des précisions et tend à le contredire, la répartie est telle qu’il y a peu de temps pour réfléchir. « C’est la guerre. Elle va tenir une semaine maximum », affirme Grégoire. Cette personne doit illustrer le sexisme véhiculé consciemment ou non au quotidien lorsqu’il est question d’une opportunité de promotion. Il décline ses réponses en fonction de celles préalablement sélectionnées par l’utilisateur. Il a par exemple le choix entre « il ne faut pas confondre empathie et faiblesse », « ce n’est pas une vraie gentille, tu sais » ou « je trouve que ses qualités humaines en font un leader naturel ». La conclusion de cet échange qui dure moins de dix minutes ? « Il faut voir, c’est vrai qu’un peu de douceur ne fera pas de mal, mais ce n’est pas sûr qu’elle ait les tripes », tranche Grégoire.

Mise en scène

En expérimentant cette situation factice, l’utilisateur est supposé prendre du recul et mieux mesurer la pertinence des mots choisis. « C’est court et impactant, car vous êtes dans une posture où les phrases vous sont adressées. Il y a une différence de discours quand il faut trouver des arguments à la non-promotion : le poids de la personnalité ne ressort pas autant pour les hommes que pour les femmes, estime Chloé Vergnolle, responsable Inclusion et diversité. Nous avons mis en place une quantité de programmes et d’activités pour accompagner les femmes à aller au-delà du plafond de verre. Mais on devait aussi changer les mentalités et l’environnement de travail pour y arriver. » Plusieurs scénarios ont été ainsi développés par le groupe de conseil et la société Manzalab qui propose des serious games dans le secteur de la formation : ils mettent tous en scène les biais exprimés lors des évaluations annuelles qui détermineront les avancées de carrière et de grades dans l’entreprise. C’est dans ce cadre, juste avant les réunions collectives d’évaluation des performances, que les casques ont été distribués : « Cela rend les participants plus vigilants et permet d’éviter qu’immédiatement après, ces petites phrases et ces stéréotypes soient entendus et si elles le sont encore, cela donne des arguments pour rebondir », juge Véronique Violin, la DRH. Le jeu développé en France a ensuite été adapté aux autres pays dans lesquels le groupe est présent. Et il y a eu des modifications en cours de route : initialement, à l’issue du jeu, il n’y avait pas de bilan sur les propositions retenues, puis le tir a été corrigé en présentant une analyse des choix sélectionnés par un code couleur vert-orange-rouge.

Stéréotypes

Accenture – qui a obtenu la note de 88/100 à l’index égalité femmes-hommes – entend capitaliser sur cette action. Plus de 3 000 salariés y ont déjà joué. « C’est réaliste et relativement fin. Avec trois options, les réponses à choisir ne sont pas si évidentes si vous voulez avoir un bon résultat », souligne Louis Fontaine-Descambres, consultant marketing qui l’a testé pendant un événement interne sur l’égalité femmes-hommes. Pour ce néomanager, le plus intéressant à retenir reste la manière dont les qualités et les défauts sont attribués arbitrairement aux hommes et aux femmes dans le monde professionnel, et plus globalement dans la société. Qu’ils soient pénalisants ou non pour le reste de leur carrière. « Aux femmes, les capacités de compréhension, de patience, d’organisation et d’écoute. Aux hommes, le leadership et l’audace », développe-t-il. « Ici, il s’agit de sensibiliser. Aucun résultat n’est archivé et l’objectif n’est pas de sanctionner », précise Chloé Vergnolle. Présenté à des clients comme Disneyland ou BNP Paribas, ce jeu a également été adapté pour jauger les stéréotypes à l’encontre des personnes en situation de handicap et des LGBT.

Auteur

  • Judith Chétrit