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Organisation du travail : Les méthodes agiles, nouvel eldorado du management ?

Le point sur | publié le : 03.02.2020 | Sophie Massieu

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Organisation du travail : Les méthodes agiles, nouvel eldorado du management ?

Crédit photo Sophie Massieu

Répondre mieux, plus vite, et de manière plus souple aux bouleversements des marchés qui s’accélèrent et aux demandes des clients qui se modifient. Voilà pourquoi l’agilité semble plébiscitée. Mais est-ce un remède universel à manipuler sans modération ? Pas si sûr…

« Les champions d’aujourd’hui ne sont pas ceux de demain. Être agile est donc une nécessité du business », constate Philippe Burger, associé chez Deloitte. Pour le responsable de l’activité capital humain, les méthodes agiles n’ont rien d’un effet de mode, mais tout d’un enjeu crucial. Ce que confirme Vincent Galvagnon, directeur produits chez Eurécia, une PME éditrice de logiciels : « Nous sommes passés aux méthodes agiles il y a environ trois ans, avec la volonté de livrer de la valeur, le plus vite possible, et d’ajuster en temps réel notre offre aux retours des clients pour couvrir toujours mieux leurs besoins. »

Les méthodes agiles permettraient ainsi de répondre à la pression du business en la rendant « humainement supportable », pour reprendre les termes de David Ferreira, expert du sujet chez Capgemini. À ses yeux, l’autonomie qu’elles accordent permet d’accélérer les rendus. Ce que Nawal Mrani Alaoui, directrice stratégie chez EY, corrobore en le formulant autrement : « Les méthodes agiles sont l’art de minimiser la quantité de travail inutile ».

Plus qu’un concept, un état d’esprit

Mais alors, comment opèrent-elles pour réaliser un tel miracle ? Pour Sébastien Biessy, directeur talents France de Gras Savoye Willis Towers Watson, l’agilité est la « capacité à ajuster le comportement des personnes à la situation, ce qui en fait avant tout un état d’esprit ». Sans doute aussi du même coup un concept difficile à appréhender : « Il existe autant de définitions que de dirigeants qui se lancent dans ces modes de management », observe Isabelle Nicolas, responsable de l’équipe sociale chez Sextant Expertise. Pour Kilian Bazin, cofondateur de Toucan Toco, entreprise du secteur informatique, il s’agit de « bâtir des cycles courts, de produire des choses minimales qui créent de la valeur. On les met entre les mains des utilisateurs pour vérifier que la valeur attendue est bien générée et, ensuite seulement, on itère. »

À ses yeux, les méthodes agiles fonctionnent dans des équipes restreintes, comptant de 7 à 8 personnes. Un avis assez largement partagé même si d’aucuns estiment à l’inverse que de grands projets peuvent être managés de cette façon. Même sentiment sur les secteurs d’activité concernés : assez largement, les experts considèrent que nombre d’activités sont susceptibles d’être agiles ou de le devenir, mais certains soulignent que la compliance, par exemple, ou le secteur bancaire seraient moins susceptibles de succomber aux sirènes de ces nouvelles méthodes managériales.

Dans tous les cas, la première compétence nécessaire pour les collaborateurs qui intègrent de telles équipes, de l’avis général, outre les compétences techniques qui restent nécessaires et largement majoritaires, c’est l’adaptabilité. Et cela même sur des sujets très basiques, puisque, souligne Isabelle Nicolas, la mise en place de l’agilité s’accompagne souvent de mesures comme le flex office. Une souplesse qui ne s’acquiert pas en un jour, surtout pour des managers qui auraient travaillé de façon différente pendant de nombreuses années. D’où l’invitation réitérée des experts à entendre qu’un tel changement d’organisation prend du temps, et nécessite d’accompagner les managers dans un changement de posture. Les critères d’évaluation, eux aussi, doivent être redéfinis. Bref, « cela se construit par touches, en commençant par des projets pilotes et pas simultanément dans tout le groupe. Il faut bâtir tout un plan de transformation, d’accompagnement au changement, dans les habitudes autant que dans l’état d’esprit, parfois dans les organisations », résume Sébastien Biessy.

Le passage à l’échelle : l’enjeu de demain

Même les défenseurs de ces méthodes soulignent qu’il convient de prendre des précautions. Notamment celle qui consiste à préserver par ailleurs une vision de long terme de la stratégie de l’entreprise qui doit se conjuguer avec la gestion en mode projet, chère à l’agilité. « Aujourd’hui, nous n’avons d’autre choix que de les pratiquer. Je n’ai pas, au cours des deux dernières années, mené d’entretien d’embauche sans que le candidat ne me demande si nous travaillions bien de cette façon », confie Vincent Galvagnon, directeur produits chez Eurécia. Ce qui laisse entendre que les méthodes agiles ont de beaux jours devant elles…

L’enjeu, désormais, tient à leur changement d’échelle, ce que David Ferreira, expert chez Capgemini, résume en expliquant qu’il faudra bientôt être agile sur toute une solution métier, et plus seulement sur une solution digitale. Il ne s’agira plus de mener de cette façon la seule partie informatique d’un projet, mais le projet dans son ensemble. Rien d’étonnant, donc, à ce que les formations à ces méthodes explosent. Capgemini devrait, par exemple, acculturer 1 200 personnes aux méthodes agiles en 2020, contre 900 en 2019, et 600 en 2018. Car c’est bien d’une révolution culturelle dont il s’agit, selon David Ferreira, qui estime qu’elle peut s’inscrire dans la nécessaire transition écologique, en invitant à faire plus avec moins (de ressources par exemple).

Auteur

  • Sophie Massieu