Publiée dans le cadre de la 17e Université d’hiver de la formation professionnelle qui s’est achevée le 31 janvier, une étude de l’ANDRH démontre que la connaissance des nouveaux dispositifs nés de la réforme du 5 septembre 2018 n’a pas encore été intégrée par les directions des ressources humaines.
Il en est de la réforme de la formation « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » comme d’une pièce de théâtre lors de sa première. Le texte est appris, les décors et accessoires installés, les trois coups frappés et le rideau ouvert. Problème : les acteurs, eux, ne sont pas encore au point, n’ont pas encore pris leurs marques et bafouillent parfois. C’est ce que révèle une étude ANDRH réalisée fin janvier auprès de 172 directeurs et responsables RH de son réseau qu’Entreprise &Carrières a pu consulter à l’occasion de la 17e Université d’hiver de la formation professionnelle des 29, 30 et 31 janvier 2020.
Premier constat : la connaissance des dispositifs nés de la réforme par les professionnels RH est très inégale : ainsi ; ils sont 68 % à estimer maîtriser le fonctionnement du CPF, l’appli MonCompteFormation et les mécanismes d’abondements par l’employeur. 68 % assurent connaître le recours aux contrats d’apprentissage et de professionnalisation et 63 % indiquent savoir construire un plan de développement des compétences. Concernant les nouveaux acteurs de l’écosystème de la formation (Opco, France Compétences…), la connaissance est plus mitigée (55 %). Idem pour les entretiens professionnels renforcés (44 %). En revanche, la mise en place de CFA internes (28 %), l’Afest (29 %), le financement de la formation à l’issue de la période transitoire (39 %), les mesures pouvant être mises en place par accord d’entreprise (31 %) et ProA (36 %) restent les lanternes rouges du classement. Conséquence : cette méconnaissance s’est traduite par des comportements plutôt attentistes à l’occasion de la transition entre les plans de formation de 2019 et les plans de développement des compétences attendus en 2020. La majorité des services RH sont ainsi restés neutres en termes de budgets globaux consacrés à la formation, du nombre d’actions de formation réalisées par les salariés de leurs entreprises ou de budgets alloués aux frais pédagogiques. A contrario, si 22 % ont profité de la réforme pour augmenter leurs investissements sur ces items… 29 % avouent les avoir réduits !
Côté CPF, les entreprises ne sont pas au rendez-vous. Les trois quarts d’entre elles indiquent n’avoir pas mené de politique d’abondement et ne pas envisager de le faire. En cause : les difficultés rencontrées pour budgéter cet investissement, un manque de clarté sur la gestion des abondements par la Caisse des dépôts ou sur la gestion de la transition des cotisations Opca aux Urssaf. Par ailleurs, 67 % des répondants n’ont pas davantage déployé d’actions d’information ou de communication spécifiques relatives aux abondements au CPF. 33 % l’ont tout de même fait : sous forme de campagnes de sensibilisation des managers, de notes internes ou d’information durant les entretiens professionnels. Mais le flou qui règne encore autour du CPF abondé peut présenter quelques vertus, assure Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’ANDRH : « Tant mieux si les entreprises n’ont pas engagé de politiques d’abondement du CPF. Cela permettra aux DRH de disposer des budgets nécessaires pour le faire lorsque l’appli sera ouverte aux tiers. 800 000 comptes ouverts, ce n’est rien comparé aux 19 millions de salariés du privé. » Les DRH aimeraient également que l’appli Moncompteformation leur facilite la vie : en permettant d’abonder les CPF utilisés pour des formations réalisées sur le temps de travail, en mettant en place une aide au conseil pour les salariés, en gérant les abondements entreprises dans une logique de coconstruction des parcours ou encore en facilitant le référencement des formations.
Les autres dispositifs formatifs issus de la réforme du 5 septembre 2018 n’ont pas davantage trouvé leur marque. L’Afest ? Inutilisée par 68 % des répondants. ProA ? Idem dans 76 % des entreprises. La création d’un CFA interne ? 79 % des sondés répondent par la négative. Côté salariés, l’usage des nouveaux outils n’est pas encore entré dans les mœurs non plus. 64 % des RH interrogés indiquent que les collaborateurs de leurs entreprises n’ont pas eu recours au CPF de transition (CPF-T) succédant au CIF. Quant au recours à l’alternance, il a peu été impacté par la réforme « Avenir professionnel ». 70 % des DRH n’ont ainsi pas modifié leur politique en matière de recrutement de contrats d’apprentissage ou de professionnalisation.
Les DRH vont-ils se saisir des possibilités offertes par la réforme pour négocier un accord d’entreprise portant sur la formation professionnelle ? « Non », répondent 69 % d’entre eux alors que 26 % se disent « en cours de réflexion » et que seulement 4 % l’ont effectivement fait. Parmi ces derniers, 59 % indiquent que leur accord porte sur la périodicité des entretiens professionnels. 52 % entendent développer le cadre, les objectifs et les critères d’abondement du CPF par l’employeur et 41 % ont négocié sur les modalités de recours aux actions de formation non obligatoire accomplies hors temps de travail.
Dans une large mesure, toutefois, la loi « Avenir professionnel » semble avoir inégalement modifié les habitudes des DRH. 40 % ne constatent aucun changement dans leur quotidien, 23 % se sentent dépossédés d’une partie de leurs prérogatives et 23 % estiment être davantage acteurs de la politique de formation de leurs salariés. Ils sont 52 % à ne pas avoir constaté de changement parmi les collaborateurs de leur entreprise, 33 % à juger que ces derniers se sentent désormais davantage acteurs de leur formation et 7 % à les percevoir moins impliqués. L’ANDRH fera de 2020 une année de grande mobilisation, d’information et de sensibilisation des professionnels RH sur les effets de la réforme. Certains outils qui restent méconnus comme l’Afest, devraient faire l’objet d’un ciblage tout particulier.
Le changement de braquet entre Opca et Opco n’a pas échappé aux professionnels RH. Ils ne sont aujourd’hui que 9 % à attendre d’eux des financements. La disparition des collecteurs-payeurs qu’étaient les Opca semble bien actée. Ce que les DRH attendent désormais de leur opérateur de compétences est différent : de l’accompagnement dans 74 % des cas. Du conseil pour 70 % et de l’information pour 65 % des DRH. Les sondés estiment également que la stabilisation des Opco n’est pas achevée depuis leur mise en place en 2019. Ils sont toutefois 48 % à juger que leur relation avec leur opérateur de compétences n’a pas changé par rapport aux celles qu’ils avaient avec leur Opca.