logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’actualité

Trois questions à Richard Abadie, DG de l’Anact : « Il n’y a pas assez de prévention de la pénibilité »

L’actualité | publié le : 03.02.2020 | Gilmar Sequeira Martins

Alors que la réforme des retraites fait resurgir la question de la pénibilité, Richard Abadie, directeur général de l’Anact, fait un point sur la situation dans les entreprises et les axes d’amélioration possibles.

Les débats autour de la réforme des retraites font ressurgir le sujet de la pénibilité. Où en sont les entreprises sur ces questions ?

On observe que les entreprises qui ont déployé des actions en matière de pénibilité ces dernières années s’en sont souvent tenues aux facteurs de risque définis par le Code du travail. C’est un premier pas, mais cela a pu les conduire à laisser de côté d’autres contraintes rencontrées par leurs salariés. Par ailleurs, les accords sur des sujets liés à la pénibilité prévoient dans bien des cas davantage de mesures au titre de la réparation (pour compenser les effets de la pénibilité sur la santé) que de mesures réellement préventives. Les plans d’action font apparaître, enfin, trop souvent des mesures cloisonnées : RH d’un côté, prévention des risques de l’autre, ou bien des mesures centrées sur les postes les plus pénibles ou pour les salariés les plus en difficulté. Le débat actuel sur l’allongement de la vie professionnelle est une occasion d’accompagner les entreprises dans des démarches réellement préventives qui permettent de faciliter le maintien en emploi, de réduire la pénibilité, et au-delà, de mettre en place des organisations du travail soutenables pour tous et toutes.

Les quatre critères de pénibilité supprimés en 2017 (les postures pénibles, les manutentions manuelles de charges, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux) sont de nouveau au cœur du débat. Quelle est l’importance de ces critères dans les conditions de travail et quelles difficultés pose leur mesure ?

Ces quatre critères n’ont plus à être déclarés dans le Compte professionnel de prévention (C2P). Pour autant, les employeurs restent tenus de les évaluer et les prévenir. Les opérations de mesure en référence à des seuils d’exposition puis d’identification des salariés concernés permettent de se mettre en conformité, d’objectiver des difficultés, d’identifier des priorités… Mais elles ne rendent pas compte des phénomènes de cumul de contraintes et ne résument pas les difficultés rencontrées par les équipes. Il faut donc aller au-delà : regarder le travail tel qu’il est réalisé, écouter les salariés sur les difficultés qu’ils vivent dans le travail et les ressources pour y faire face. En complément des approches critère par critère, les démarches qui s’intéressent aux situations de travail dans leur ensemble doivent être développées pour construire des plans de prévention adaptés.

La pénibilité psychologique a aussi été évoquée. Comment un tel critère pourrait-il être mesuré ?

L’exercice de mesure n’est pas aisé : la pénibilité psychologique ne peut être isolée de la pénibilité physique. Elle s’exprime, elle aussi, différemment d’un individu à l’autre. L’enjeu à l’échelle des entreprises, c’est peut-être moins de mesurer cette dimension de façon isolée que d’être en capacité de repérer et d’agir sur ce qui empêche de faire du bon travail et de se sentir bien (physiquement et moralement). Et le plus en amont possible ! Les enquêtes, les questionnaires, les analyses du travail avec les salariés peuvent être mobilisés dans ce but, de même que les espaces de régulation avec les managers qui permettent au quotidien de parler du travail pour l’améliorer.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins