logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Sur le terrain

Canada : Chez McDonald’s, une embauche ne vient jamais seule

Sur le terrain | publié le : 27.01.2020 | Ludovic Hirtzmann

L’année 2019 a marqué un nouveau record de créations d’emplois pour le Canada. Face à la pénurie de main-d’œuvre, les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour attirer les candidats. Comme McDonald’s, qui embauche « en binôme », car la performance des salariés est meilleure s’ils travaillent avec un proche…

Le Canada, et notamment le Québec et la Colombie-Britannique, manque terriblement de bras et de cerveaux. Avec 5,3 % de taux de chômage en décembre dans la Belle province, la pénurie de main-d’œuvre est telle que les patrons ne savent plus quoi inventer pour recruter. C’est particulièrement vrai pour les entreprises qui offrent des postes de base, rémunérés au salaire minimum – 12 dollars canadiens (8,50 euros) – ou un peu au-dessus. Telle la filiale canadienne de McDonald’s.

« Amis recherchés »

Fondée en 1940 aux États-Unis et implantée au Canada depuis 1967, l’entreprise y emploie 85 000 personnes. Depuis environ six mois, McDonald’s encourage son cœur de cible, les jeunes et les étudiants, à « postuler avec un ami ». Avec des campagnes de recrutement aux messages simples : « Amis recherchés ». Pour attirer de nouveaux collaborateurs, McDonald’s a confié sa communication à l’agence de publicité québécoise Cossette. À travers quelques vidéos d’une dizaine de secondes, deux jeunes « amis » travaillent en riant. Le géant de la restauration rapide s’est en effet aperçu que ses salariés sont plus performants sur leur lieu de travail lorsque leur collègue est un proche. Une perception confirmée par une récente étude, menée par Gallup. D’abord, un environnement porteur : la recherche montre que dans « les meilleurs milieux de travail, les employeurs reconnaissent que les gens veulent forger des relations de qualité avec leurs collègues et que l’allégeance à l’entreprise peut être construite à partir de telles relations ». Ensuite, la fameuse notion de « best friend ». Il y a un « lien concret entre le fait d’avoir un ami au travail et la quantité d’efforts que les salariés consacrent à leur travail », fait valoir l’étude Gallup. Les experts de ce cabinet précisent même que « les femmes qui sont tout à fait d’accord pour dire qu’elles ont un ou une amie au travail, sont deux fois plus susceptibles d’être engagées (63 %) que celles qui disent le contraire (29 %) ». Certes, « la recherche scientifique a démontré les effets positifs de cette pratique, mais à condition qu’elle soit rigoureuse », tempère Denis Morin, professeur de gestion des ressources humaines à l’École de gestion de l’université du Québec, à Montréal. De fait, poursuit-il, « une telle approche doit être cohérente avec la valorisation des ressources humaines. On ne recrute pas n’importe qui ».

Fidélisation

Ce professeur assure en outre que les salariés ont tendance à recommander des travailleurs de qualité si une récompense leur est promise… Mais toujours est-il que « lorsqu’un salarié recommande une connaissance à son employeur, il cible normalement une personne dont les valeurs correspondent à celles de l’entreprise. Le salarié en poste dresse aussi un portrait réaliste de l’organisation et des subtilités de l’emploi au candidat recommandé », souligne-t-il. La technique d’embauche de McDonald’s, en binôme ou par recommandation d’un salarié déjà en poste, lui permet en tout cas de joindre l’utile à l’agréable. Si les travailleurs se sentent mieux en travaillant avec un ami, l’ambiance y est meilleure. Et bien entendu, la multinationale double à chaque fois le nombre de ses candidats.

« Les retombées de ces programmes de recommandations sont beaucoup plus élevées que leur coût. Les salariés recommandés par un ami accumulent une plus longue ancienneté dans l’entreprise, ainsi qu’une meilleure satisfaction et un engagement plus fort envers leur employeur », conclut le professeur de gestion RH.

Reste que McDonald’s a beau chercher à donner l’impression d’offrir à ses salariés une ambiance de travail décontractée, quand ce n’est pas une belle évolution de carrière dans l’entreprise, la marque a vu sa réputation entachée à plusieurs reprises ces dernières années. L’enseigne a été pointée du doigt il y a quelques années pour recruter de préférence des travailleurs étrangers temporaires, voire de licencier des Canadiens pour embaucher de la main-d’œuvre étrangère à petit prix ensuite. Le groupe a aussi été épinglé pour des pratiques antisyndicales et une communication opaque. Plusieurs tentatives pour joindre les représentants de McDonald’s n’ont pas abouti. Enfin, s’il est encore trop tôt pour tirer un bilan d’un programme novateur implanté il y a à peine plus de six mois, la faiblesse de la rémunération, dans un contexte de forte pénurie de main-d’œuvre, risque bien d’être le handicap majeur pour aller travailler chez le roi du Big Mac. Même avec un ami !

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann