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« Nous sommes encore en phase de défrichage »

Le point sur | publié le : 27.01.2020 | Gilmar Sequeira Martins

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« Nous sommes encore en phase de défrichage »

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Quelles relations entretiennent les RH et la data science ?

Les équipes RH intègrent des profils « chiffres » depuis toujours, essentiellement associés à la paie. L’évolution des SIRH depuis plus de vingt ans a permis d’élargir au-delà de la paie la collecte d’autres données sur la formation, le talent management. Nous avons le socle pour assurer la réussite de la fonction RH mais la maîtrise de ces sujets reste très hétérogène. Les objectifs ont également muté. Après une première phase d’outillage autocentrée sur les process de l’entreprise elle-même et des RH, les projets s’adressent de plus en plus aux besoins des salariés et à l’accompagnement de la stratégie. L’usage de la data par les RH suit ces évolutions mais sans que nous puissions prévoir sa vitesse de propagation. Il est surtout difficile de savoir quand la fonction RH basculera d’une approche déclarative, de type reporting, à une démarche prédictive.

Quel constat tirez-vous des cas d’intégration de profils data science au sein des équipes RH ?

À ce jour, les expériences rapportées au sein de l’association sont relativement peu nombreuses et présentent des résultats contrastés. Nous sommes encore dans une phase d’exploration. Le potentiel fait consensus mais la maturité des technologies en RH et l’économie de tels projets font débat. Au sein de la commission digitale de l’ANDRH, nous avons quelques pistes pour améliorer ce constat. Tout d’abord, les membres de la commission estiment que les RH et les entreprises doivent clarifier plus en amont, avant la mise en place des équipes et des moyens, ce qu’elles attendent de ces profils. Une autre piste pourrait consister à acculturer les entreprises qui souhaitent tester ces possibilités en recourant à l’usage de plates-formes communes. L’appel à des free-lances apporterait un côté disruptif dans cette phase encore exploratoire. La mise en commun sur des sujets qui tiennent encore de la R & D sur le domaine des ressources humaines accélérerait l’émergence de bonnes pratiques. Cette approche « coopétitive » entre acteurs innovants, en France mais aussi à l’international, serait un puissant levier.

En quoi ces deux univers sont-ils si éloignés ?

RH et data science sont dans deux espaces différents. En termes de volume, les RH travaillent à l’échelle de l’entreprise, c’est-à-dire un périmètre « micro » par rapport au marché global alors que le data scientist a besoin de grandes échelles à multidimensions pour valider ses hypothèses. Les grandes entreprises comme Suez, la SNCF, Air France et d’autres ont la masse critique pour faire de la data science qui ait du sens à leur échelle. Pour les autres entreprises, y aller seul n’est pas forcément pertinent, comme le démontrent les résultats des expériences déjà tentées. La collaboration, la mutualisation sont des réponses pertinentes pour résoudre ce tropisme. La multiplication des expériences va faire émerger rapidement des solutions. Quand aura été trouvé un levier d’efficacité et de performance, on aura besoin d’une mise en œuvre efficace. Cela passera par le recours à une place de marché, comme dans l’e-commerce, qui va permettre une mutualisation des coûts et une capitalisation collective grâce aux expériences de tous les participants.

Des usages émergent-ils déjà ?

Nous n’avons pas constaté de disruption des usages dans un domaine qui potentiellement le permet. Peut-être sommes-nous trop formatés, nous voulons peut-être trop transposer nos expériences. Nous n’avons pas encore trouvé le chemin ou l’usage qui rendrait le data scientist indispensable à l’exécution des métiers RH de demain. Les décideurs sont parfaitement sensibilisés au sujet mais il y a une difficulté à passer de la prise de conscience à l’action concrète. Aujourd’hui, autant un consensus se dégage rapidement sur le talent management, capable de discerner les facteurs clés d’attraction ou d’expertises ; autant sur une analyse plus élargie par des data scientists, nous sommes encore en phase de défrichage. Sur les profils eux-mêmes de ces data scientists, les RH attendent une connaissance plus fine de la donnée métier. Les RH ne sont pas là que pour gérer des chiffres sur la masse salariale ou sur le temps de travail. Avec ces professionnels et leurs outils, il serait intéressant de travailler avec une vue RH. Cela permettrait de cerner plus finement les attentes des collaborateurs, d’améliorer leur engagement, de mieux comprendre ce qui est important à leurs yeux dans leur métier, de capter le climat social ou encore de mieux comprendre les dynamiques de groupe.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins